Nº 166

Sans commentaire

Pas tous les jours

« La première fois qu’on l’a vue, elle était nue. Sur sa poitrine et son ventre, elle avait tracé quatre mots au feutre noir : “Brexit leaves Britain naked”, “le Brexit laisse le Royaume-Uni nu”. En face d’elle, le journaliste vétéran John Humphrys était, une fois n’est pas coutume, à court de mots. C’était à l’aube, dans un studio radio de la BBC, et Victoria Bateman venait de faire glisser de ses épaules le manteau sous lequel elle était arrivée dénudée. De sa petite voix pointue, la docteur en économie et enseignant à Cambridge suggérait un débat dénudé sur le Brexit avec le député conservateur Jacob Rees-Mogg, fervent partisan de la sortie de l’Union européenne et impossible à imaginer nu. Il n’a pas relevé le gant. La deuxième fois, à la Tate Gallery, elle était habillée, col roulé, manteau sage et mains gantées de rouge. […]Pas naturiste pour un sou, elle ne se déshabille pas en public tous les jours, “jamais lorsque je donne des cours”, choisit ses moments avec soin. En juillet 2016, elle débarque nue dans un séminaire d’économistes. Quelques mois plus tard, elle donne une conférence à l’Office national des statistiques, quelques billets de banque collés aux endroits statégiques. »
Victoria Bateman

Exceptionnel processus démocratique

« Le 24 février 2019 Cuba a modifié sa Constitution. Que penser du processus d’élaboration de cette Constitution ?“Il est exemplaire : trois mois de débats sur le texte proposé par l’Assemblée nationale […]. Le projet a fait l’objet d’un nombre considérable de propositions, d’amendements. C’est une nouvelle mouture qui a été adoptée ensuite par l’Assemblée nationale.Mais la consultation populaire ne s’arrête pas là. La Constitution est soumise à un référendum organisé en aboutissement de cet exceptionnel processus démocratique. Il donne toute sa dimension au colossal enjeu que constitue l’adoption de la Loi fondamentale, qui scelle le contrat d’une nation Une belle leçon de démocratie active, à l’opposé de ce que nous vivons en France avec le refus des majorités successives de mettre en débat dans le peuple une nouvelle Constitution alors que celle de la Ve République est à bout de souffle. »
André Chassaigne

Crever

« Alors que les européennes de mai 2019 approchent, un troisième homme va devenir l’objet du désir dans le conflit larvé entre les deux anciens colocs : Raphaël Glucksmann et son nouveau mouvement Place publique. Cette fois-ci, Olivier Faure emporte le morceau, et le PS suit. Hamon enrage. “Je préfère crever en vous faisant échouer, plutôt que crever en vous voyant réussir”, lâche-t-il à l’essayiste le lendemain de son alliance avec le PS. Hamon assure n’avoir “jamais” tenu de tels propos. Mais Raphaël Glucksmann et son entourage s’en souviennent encore de manière cuisante. »
Benoît HAMON

Même si

« Il veut d’autres mesures, dont celle-ci : “réinstaurer l’ISF, même si ça reste un impôt idiot. Les symboles en politique, ça compte”. »
Guillaume PELTIER

Une référence très juste

« “L’un des apports du mouvement féministe a été de montrer que ce qui relève de l’intime est en fait tout à fait politique. La lutte écologiste a longtemps été vue comme quelque chose d’extérieur, de théorique, de lointain. Mais ce n’est pas ça du tout. Les conséquences d’une planète polluée, nous les vivons chaque jour sur nos propres corps.” Et c’est, selon elle, le message porté par nos fameuses pancartes avec des slogans comme “Ma planète, ma chatte, sauvons les zones humides […]. J’y vois une référence très juste à tous ces polluants que l’on trouve dans nos tampons. Non seulement on pollue la planète, nous marchandisons la nature, nous rendons l’air extérieur irrespirable, mais cette pollution s’étend jusqu’à l’intérieur de nos corps”, poursuit la militante d’EELV. »
Charlotte SOULARY

Cette maudite maladie d’intellectuels

« Je me demande quelle est cette maudite maladie d’intellectuels, de toute discipline en sciences sociales, qui se pose un frein à la réflexion dès que cela touche à l’interdit, au respect de la loi, à la défense de la “police républicaine”. Si Esther Benbassa, connue pour défendre les Palestiniens qui combattent avec des pierres, des cerfs-volants enflammés et des lance-roquettes, une puissance nucléaire, qui défend les migrants, les pauvres, les fumeurs de cannabis, les défenseurs de l’écologie et tant d’autres justes causes, si la sénatrice et professeure engagée ne comprend pas qui sont “les casseurs”, il ne restera plus personne au sein des institutions pour comprendre la souffrance, la révolte et la rage exprimées par le saccage des vitrines de banques, d’assurances, de boutiques et de voitures de luxe. […]Un mort est un mort, un blessé un blessé, une souffrance une souffrance, peu importe la main qui la donne et son statut : jusqu’à quand ce principe de droit universel ne sera pas inscrit et appliqué dans la loi, tout débat sur la violence est faussé.Alors : qui sont “les casseurs” ? Au-delà de l’instrumentalisation politique, dans laquelle tant d’intellectuels, pour ne pas parler des journalistes, sont tombés, il suffit de regarder le profil des milliers de gilets jaunes arrêtés, des centaines de condamnés, des dizaines de blessés et mutilés, il suffit de visionner les images des affrontements avec la police, des barricades et des saccages, où l’on voit plein de gilets jaunes (pas seulement Christophe Dettinger) agir mains nues et à visage découvert, pour comprendre que “la casse” n’est que l’expression d’une violence subie qu’à un certain moment on trouve insupportable et donne le courage de se révolter. »
Alessandro Stella