Nº 167

Sans commentaire

Rousseau n’est pas rentable

« Antoine Haswani, responsable des tournées du Cirque du Soleil, cherche à convaincre le département, propriétaire du domaine depuis 1985, de lui laisser gérer ce parc admirable et mythique. Le château d’Ermenonville n’a- t-il pas joué à la perfection le rôle de Montmirail dans Les Visiteurs ? Jean Richard n’avait-il pas installé à côté la Mer de sable, qui fit elle aussi les beaux jours du cinéma français ?À Ermenonville, il faut s’amuser. Rousseau n’est plus rentable. Autant inventer autre chose. Le Cirque du Soleil, c’est formidable, réjouissant et festif, tant pis ou tant mieux si cela n’a rien à voir avec ce lieu dédié à la méditation, à la quête de la sagesse et de la vérité. »
Antoine Haswani

Alexandre, Bouddha, Jésus, Jeanne d’Arc, Louis XIV, Napoléon

« Même le général de Gaulle, chez qui je n’ai diagnostiqué aucune pathologie mentale lors de ma recherche, a eu parfois des crises d’hubris, notamment quand il se confondait avec la nation.Est-ce aussi ce qui est arrivé à Jeanne d’Arc ?Non, je ne crois pas. Dans ce cas, comme pour Catherine de Sienne, je pense que les voix et hallucinations qui l’envahissaient étaient de l’ordre de transes chamaniques. Comme pour Bouddha ou Jésus, d’ailleurs, ce sont les privations de nourriture qui la projetaient dans d’autres dimensions. Pour moi, cela ne relevait pas de l’hystérie ou de la psychose. Jeanne d’Arc était anorexique, et, si elle a pu revêtir une armure, c’est grâce à ce trouble alimentaire. Son androgynie aussi est caractéristique de l’anorexie. […]Alexandre le Grand ne pensait pas trop et rendait les coups sans beaucoup d’états d’âme. L’état de stress post-traumatique peut aussi motiver un destin de résilience, jusqu’à la suprématie. Ainsi, Louis XIV, traumatisé à l’âge de 10 ans par une nuit de révolte – dite la nuit des « Frondeurs », lors de laquelle la dynastie des Bourbons dut fuir de Paris –, était vraisemblablement guidé dans son règne de Roi-Soleil par un immense désir de vengeance.Une motivation proche du désir de reconnaissance ?Oui, c’est le cas pour Napoléon Bonaparte, notamment, qui, pris dans un complexe œdipien, a toujours voulu mieux faire que son père. »
Patrick Lemoine

Recherches scientifiques

« Cesare Battisti, après trente-sept ans de cavale, a finalement lâché des aveux en janvier, et aussi ses amis. “Je me suis moqué de tous ceux qui m’ont aidé, je n’ai même pas eu besoin de mentir à certains d’entre eux”, aurait-il déclaré. Songeait-il à Vargas en particulier ? Au printemps 2019, on entendait les mouches voler dans le rang des soutiens de Battisti. Hormis le romancier-journaliste de Paris Match Gilles Martin-Chauffier, qui assumait son choix dans un article intitulé : “Pourquoi Cesare Battisti reste mon ami.” Vargas, qui a d’abord refusé de s’exprimer, a finalement déclaré à l’AFP : “Je n’ai pas clamé son innocence en me basant sur une conviction, mais sur des recherches scientifiques. Je suis chercheur à la base, avant d’être écrivain. Et je maintiens mes conclusions.” Auprès de nous, elle réitère sa position : “J’ai croisé toutes les pistes, ses aveux ne changent rien à mes conclusions.” »Il y a dans le gouvernement local beaucoup de défauts de détail qui sont, ce me semble, aperçus et sentis. La supériorité du gouvernement central dans quelques-unes des choses particulières dont il se mêle est assez reconnue. Cependant, il y a non seulement des opinions individuelles puissantes, mais un préjugé public insurmontable qui s’oppose à l’extension de sa sphère. Cela vient, je crois, de plusieurs causes. D’abord, de la constitution aristocratique de la société anglaise. L’aristocratie est assez éclairée pour comprendre que, le jour où le gouvernement central sera maître de l’administration du pays, elle aura, pour ainsi dire, perdu sa raison d’être. Cela vient encore du sentiment confus mais vif que ce système, qui est infirme dans bien des détails, répand néanmoins une vie, une activité, une variété dont, en gros, la prospérité publique s’est très bien trouvée et qui a fait de l’Angleterre le pays le plus riche comme le plus libre. Enfin, ce qui empêche de laisser faire, même bien, ses affaires au gouvernement, c’est tout simplement l’envie de les faire soi-même. C’est cette passion d’être maître chez soi, dût-on faire des sottises, qui caractérise si essentiellement aujourd’hui la race anglaise. J’aime mieux mal conduire ma charrue que d’en livrer les manches à tenir à l’État. Nous avons nous-mêmes quelque chose de ce sentiment-là dans la vie privée. Les Anglais le portent au plus haut point dans la vie publique locale.
Fred VARGAS

Il ne s’agit pas de dire qu’il y a une excuse possible

« Rien n’excuse la violence, rien. Ni celle des Gilets jaunes quand il y en a, les casseurs ou aujourd’hui ces jeunes qui mettent le feu aux voitures pour piéger les policiers : rien de tout cela n’est supportable ni acceptable. Je dis simplement que ce gouvernement ne cherche pas à apaiser, il est dans l’affrontement permanent et la politique qu’il conduit n’est pas de nature non plus à apaiser les Français. Et on le voit bien à chaque fois, y compris les symboles : celui du homard, des bouteilles à 500 euros, tout cela conduit en permanence à ce qu’il y ait deux France qui s’affrontent, ce qui est absolument insupportable. […] Il ne s’agit pas de dire qu’il y a une excuse possible à ceux qui manifestent par la violence, c’est insupportable, c’est évident. »