Ce dossier part d’un étonnement : on a souvent opposé création et patrimoine, c’est un lieu commun. En même temps, les deux sont liés, d’une façon intense et parfois caricaturale : pas un lieu patrimonial qui ne cherche à inviter des artistes, symboles de la création. De même, la création culturelle dans son sens large, qui intègre la mode, le cinéma, la littérature, le design, ne cesse de se nourrir du passé, reconnaissant à celui-ci un statut premier, comme une source et un horizon indépassable.
Le patrimoine est aujourd’hui repensé à l’aune d’enjeux fondamentaux : économiques, car le patrimoine est aussi une valeur à faire vivre ; politiques, car le patrimoine est l’espace du commun, celui où nos identités se sentent à la fois fragilisées et, le cas échéant, théâtralisées ; et humains : l’intelligence artificielle, par sa capacité à redistribuer les éléments disponibles, constitue une dramatisation puissante des rapports entre matière disponible et réinvention. La question de la création ne doit pas être envisagée suivant une perspective fermée : la création, c’est aussi l’expérience, qui a lieu en permanence. La question est alors : comment pouvons-nous en tirer au mieux profit ?
Mon parcours, d’historien et de praticien des institutions, d’ami des artistes, m’a conduit à comprendre que ces problèmes sont larges, et que les institutions qui traitent du patrimoine et de la création ne sont pas isolées mais proposent une mise en abyme d’enjeux économiques et politiques majeurs. Ayant travaillé entre la France et l’étranger, je me suis rendu compte que c’était une question qui se posait tout particulièrement dans notre pays, et pour laquelle nous formulons des réponses à la fois ancrées et ouvertes.
J’ai donc proposé à la direction de notre revue de rassembler des figures de différents secteurs, institutions publiques, bien sûr, mais aussi privées, au travers de structures d’échelles et surtout de champs divers, pour qu’elles nous exposent, suivant leur expérience, les pistes pertinentes pour tirer au mieux profit de ce qui peut apparaître comme une tension mais est en réalité une richesse. Nous avons tenu à ce que leur approche soit ancrée, mais qu’elle s’ouvre vers le général ; qu’elle établisse un état des lieux, et qu’elle ouvre des pistes. Nous remercions chaque participant d’y avoir réfléchi et de nous offrir ses conclusions.