L’Europe ne doit ni ne peut rester indifférente à l’égard du conflit entre le Hamas et Israël. Elle ne le doit pas parce que beaucoup des Juifs d’Israël sont venus d’Europe et continuent de s’y rattacher par la démocratie, la culture et la relation historique profonde qu’ils gardent avec nous. Elle ne le peut pas parce que ce sont des Européens pervertis qui ont été coupables au xixe et particulièrement au xxe siècle de la persécution des Juifs, et que nous devons assumer cette culpabilité. Enfin, mais ce n’est pas la raison la plus importante, parce que l’Europe a au Moyen-Orient des intérêts politiques, stratégiques et économiques considérables.
Dans les circonstances actuelles, quels principes devraient inspirer l’Europe ?
Certainement pas ceux aboutissant à une politique hypocrite et balancée destinée à satisfaire les belles âmes, mais ceux prenant clairement parti pour la sécurité d’Israël, et pour son droit à se défendre dans les frontières qui seront nécessaires à cette sécurité.
La survie d’Israël repose sur sa seule puissance militaire, puisqu’une partie du monde musulman lui est ouvertement hostile : l’Iran, la Syrie, le Hezbollah au Liban, les mouvements islamistes radicaux comme le Hamas et les Frères musulmans. La défense d’Israël exige de lourds sacrifices et une alliance privilégiée avec les États-Unis. L’État hébreu devrait bénéficier en Europe d’un soutien équivalent à celui dont il bénéficie aux États-Unis.
Les Juifs ont dû quitter les pays arabes, beaucoup de peuples ont été déplacés au xxe siècle : les Européens ne peuvent trouver injuste et illégitime la présence des Israéliens sur un territoire aussi réduit et auquel ils sont attachés depuis des millénaires. Ces principes généraux ont toujours été ceux de Commentaire. Ils ne s’opposent ni aux relations que l’Europe doit normalement entretenir avec les pays musulmans, ni au respect et à l’aide que l’Europe doit aux Palestiniens, ni à la contribution que l’Europe doit apporter à la recherche d’un accord de paix entre l’État d’Israël d’une part et les Palestiniens d’autre part, ceux-ci constitués en un État pacifique distinct.
Aussi les rappelons-nous, en vous proposant de relire ou de découvrir plusieurs articles que nous avons publiés sur la question israélienne depuis plus de trente ans.

Interrogée par le journaliste Victor Malka, Annie Kriegel retrace sa propre histoire en définissant la dimension juive de son identité.
Nº 27 / automne 1984