Une lettre anonyme, publiée sur le site de Commentaire après avoir déjà circulé sur Internet, met gravement en cause l’École normale supérieure, en accusant en substance l’institution et sa direction de laisser se développer, voire de promouvoir, l’antisémitisme en son sein.
Mêlant présentation biaisée et parfois erronée de certains événements effectivement survenus et procès d’intention, elle porte atteinte à l’honneur de l’École et au souci de justesse et de véracité qui devrait animer toute personne s’en réclamant, fût-ce sous pseudonyme. La direction de l’ENS souhaite en conséquence faire les rappels factuels qui suivent.
La direction de l’École normale supérieure
Au sujet de l’occupation de la cour aux Ernest
L’occupation de la cour aux Ernest (45 rue d’Ulm, Paris) par un comité revendiquant son soutien à la Palestine – groupe de petit nombre, pour partie composé de personnes extérieures à l’ENS – a duré du 21 au 26 mai 2024. Elle s’est traduite par l’installation de plusieurs tentes, de drapeaux et d’affiches et par un stand destiné aux prises de parole.
La direction de l’École a rencontré les occupants à plusieurs reprises entre le 21 et le 23 mai. Elle a exprimé en préalable sa solidarité avec toutes les victimes de la guerre à Gaza et en Israël, comme elle l’a fait publiquement depuis les attentats terroristes du 7 octobre, ainsi que son vœu d’une solution pacifique qui comprenne un cessez-le-feu et la libération des otages. Elle a constamment rappelé que les discussions ne pourraient aboutir que si elles s’inscrivaient dans les cadres institutionnels de l’École et si elles ne mettaient pas en danger la sécurité des personnes et des lieux, et le respect des principes républicains. L’École a ainsi rappelé qu’elle poursuivrait tout acte ou tout propos contraire à la loi, notamment de nature raciste ou antisémite.
La direction a tenu à répondre de façon proportionnée aux risques que l’occupation créait. L’évolution de la situation – le maintien d’une occupation qui voulait manifestement s’inscrire dans la durée, qui créait des risques réels et non maîtrisés, et dont des actes graves étaient contradictoires avec la revendication d’un mouvement pacifique – l’a ainsi conduite à fermer le 45 rue d’Ulm le 23 mai (sauf pour celles et ceux qui y habitent), puis à recourir à l’évacuation de la cour aux Ernest le 26 mai.
Au sujet de la diplomation
Afin de maintenir la cérémonie de diplomation à laquelle sont attachés les élèves et leurs familles, la date du 24 mai a été maintenue, mais la cérémonie a été déplacée hors de l’ENS en raison de sa fermeture au public et s’est ainsi tenue au Collège de France. La direction a rappelé en ouverture de la cérémonie les raisons et les mesures qui avaient entraîné cette délocalisation.
Durant la cérémonie, un discours spontané d’une étudiante a adopté une posture militante : il critiquait la mesure de fermeture de l’École par la direction et il a déclenché dans la salle des réactions contradictoires. Contrairement à ce que certains ont affirmé, la direction n’a aucunement témoigné son soutien à cette prise de position militante. Le discours suivant a partagé une expérience personnelle rappelant la possibilité d’une coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens. Quelques autres discours ont repris la solidarité de la communauté étudiante pour toutes les victimes. La cérémonie a duré trois heures sans autre incident.
Au sujet de la situation depuis la diplomation
L’École a rouvert les portes du 45 rue d’Ulm le lundi 27 mai dernier. Les événements publics portant sur le conflit israélo-palestinien, quand ils respectent le cadre académique et les procédures mises en place, peuvent continuer à y avoir lieu, comme c’est le cas depuis le 7 octobre 2023. Les séminaires mis en place et les programmes de recherche comme celui sur l’antisémitisme peuvent se poursuivre dans ce cadre, dans le cadre et les procédures des instances de l’École.
Anne Bouverot, présidente du conseil d’administration de l’École normale supérieure, Stéphane Israël, président de la fondation de l’ENS, et Jean Jouzel, président du conseil scientifique, ont témoigné leur plein soutien à la façon dont la direction de l’ENS s’est organisée, et aux actions qu’elle a mises en œuvre, pour répondre à ces différents événements.
Le rôle de l’ENS
Face à ces incidents, la direction de l’École n’a eu qu’un cap : la défense des valeurs républicaines et du rôle précieux, et particulier, que doivent continuer à jouer les établissements universitaires au milieu des drames en cours. C’est-à-dire permettre un cadre rationnel, scientifique, humaniste, respectueux de la liberté d’opinion et de la diversité des points de vue, tant qu’ils ne sont pas discriminatoires, racistes, antisémites ou plus largement attentatoires aux lois de la République. Les discours haineux, trompeurs, falsificateurs et ne partageant pas ce souci de progression des connaissances n’y bénéficieront jamais d’aucune tolérance.
La porte de la direction de l’École est pleinement ouverte à tout membre de la communauté normalienne qui éprouverait le besoin de partager son ressenti ou de porter à sa connaissance des faits allant à l’encontre de ces valeurs.