L’histoire de l’art et des avant-gardes montre que, si les artistes ont largement bénéficié de l’environnement politique, culturel et économique créé par les sociétés libérales, leurs engagements politiques et leurs choix philosophiques les ont souvent placés en dehors du libéralisme, lorsqu’ils ne les mettaient pas en conflit ouvert avec lui. Sans mettre en cause la liberté des créateurs, on peut penser qu’il y a là un peu de fausse conscience : c’est ce que montrent Arthur Lanos et Erwan Le Noan.
Commentaire
En octobre 2025 ouvrira le nouveau site de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, non loin de la Bourse de Commerce (qui abrite la collection Pinault depuis 2021) et de la Fondation Louis-Vuitton (ouverte en 2014). Ces lieux ont contribué à renouveler le paysage culturel parisien en une décennie, ce qui n’est pas une mince révolution dans un pays où la culture est généralement associée à l’action publique et pour un secteur (la création artistique) qui ne cesse de revendiquer son détachement de l’économie de marché.
Si ces postures ont pu prospérer, c’est que l’histoire du lien entre art et libéralisme semble, par trop, ignorée. Elle est pourtant essentielle.
Le libéralisme prolonge la pensée humaniste en autorisant les individus modernes, affranchis des transcendances traditionnelles, à explorer pleinement la connaissance. Dès lors que le sens de la vie n’est plus déterminé par le divin, il appartient à chacun d’entrer dans cette quête1.
L’art est une façon d’appréhender le monde, un univers de questionnement du sensible. Rodin n’a-t-il pas écrit qu’il constitue « la plus sublime mission de l’homme puisque c’est l’exercice de la pensée qui cherche à comprendre le monde et à le faire comprendre2 » ? Plus encore, par l’art, l’homme accomplit « cet acte divin de la création3 ». Cette puissance s’est déployée avec l’économie de marché, faite de stimulation schumpétérienne, l’avant-garde innovant sans cesse, et grâce à une logique capitaliste d’investissement dans les actifs artistiques.
L’art moderne et contemporain se trouve ainsi au cœur de l’exploration libérale : il en est une quintessence philosophique (par sa quête de créativité et d’exploration du monde) et économique (par sa dynamique concurrentielle).
Il doit sa prospérité à l’émergence d’un véritable marché qui s’est progressivement structuré depuis la fin du xixe siècle et à une dynamique démocratique de liberté et de diversité créatives qui s’affirment l’une et l’autre pleinement dans l’économie de l’abondance mondialisée du xxie.
L’ émergence d’une structure marchande
La révolution libérale a permis l’émergence d’un marché de l’art structuré et dynamique. Ce dernier « naît » au xixe siècle d’une libéralisation politique qui, paradoxalement, va se produire sous le Second Empire. Depuis longtemps, le Salon officiel, organisé par l’Académie et adoubé par l’État, fonctionnait comme une instance quasi monopolistique de consécration, imposant un goût normatif. Cette autorité commence à se fissurer en 1863 avec le Salon des refusés, qui accueille Manet, Pissarro ou encore Cézanne. Institué par Napoléon III, il marque une rupture qui va décentraliser l’autorité artistique.
Ce renversement est rendu possible par des transformations économiques plus larges. La révolution industrielle a fait émerger une bourgeoisie urbaine, en quête de signes distinctifs4, qui ne se contente pas d’admirer l’art : elle l’achète, le collectionne, l’expose.
Au tournant du xxe siècle, l’essor du capitalisme industriel accélère la transformation du marché d’une double façon : il permet l’affirmation du rôle des marchands et rouvre une place au mécénat.
La structuration d’une demande privée, bourgeoise et fortunée, permet qu’une économie se construise autour d’intermédiaires décisifs : les marchands-galeristes. Paul Durand-Ruel, qui soutient les impressionnistes, en fut l’archétype. Entrepreneur, il fabrique un marché et l’élargit en se tournant vers l’Amérique. Cette internationalisation consacre une dynamique dans laquelle la valeur n’est plus décrétée, mais se construit par circulation, médiation, compétition.
Des figures comme Ambroise Vollard5, découvreur de Cézanne et promoteur de Van Gogh, ou Daniel-Henry Kahnweiler6, soutien des cubistes, organisent après lui un écosystème où l’exposition devient une stratégie, la vente un engagement et le récit une arme de reconnaissance. Ils investissent, publient, relient, accompagnent, construisent des histoires cohérentes et des réseaux autour des artistes.
Aux États-Unis, les grandes fortunes issues de l’industrie et de la finance investissent par ailleurs dans la culture avec une ambition institutionnelle. Les ouvertures du MoMA (1929), du Whitney Museum (1931), puis du Guggenheim (1939) sont portées par de riches familles. Leurs organisations incarnent une gouvernance culturelle fondée sur l’autonomie financière, la liberté curatoriale et la capacité de sélectionner sans contrainte administrative ni doctrine esthétique imposée.
Cette dynamique trouve un écho en Europe. Des collectionneurs comme Jacques Doucet (couturier fortuné qui, conseillé par André Breton7, anticipe les courants de l’art moderne et collectionne Cézanne et Picasso) ou Harry Kessler (diplomate esthète) agissent en véritables entrepreneurs culturels : ils acquièrent, éditent, exposent, soutiennent, documentent. Ils construisent des canons alternatifs et investissent dans l’avant-garde.
Un marché moderne se structure ainsi, reposant sur la prise de risque individuelle, la professionnalisation des intermédiaires, l’essor de réseaux internationaux, notamment transatlantiques, et la formation d’un public cultivé.
L’explosion du marché
Dans l’après-Seconde Guerre mondiale, le marché de l’art s’inscrit d’emblée dans une dynamique d’internationalisation – au sein du bloc de l’Ouest – et incarne la capacité des économies capitalistes à produire des lieux connectés par des flux d’idées et de capitaux. New York, Londres, Paris, puis Berlin, Tokyo ou Séoul concentrent musées, galeries, maisons de vente et collectionneurs. Leur dynamisme entrepreneurial, leur ouverture culturelle et leur puissance financière créent les conditions d’un marché mondial.
Ce phénomène repose sur une infrastructure propre aux sociétés libérales : libertés juridiques, ouverture financière, cosmopolitisme culturel. Ces conditions permettent à la scène artistique de se déployer et d’innover. L’artiste n’y est plus dépendant d’un centre, mais inséré dans un réseau diversifié et dispersé, au sein duquel émergent de façon non coordonnée (concept cher à Hayek) les goûts, les offres, la créativité.
C’est dans ce contexte que la galerie privée s’impose définitivement comme un acteur central et se redéfinit comme un véritable opérateur culturel. Elle ne se borne pas à vendre : elle repère, soutient, construit. Des personnalités comme Leo Castelli ou Daniel Templon parient sur l’avant-garde (Warhol, Rauschenberg, Boltanski, etc.), investissent dans sa diffusion et organisent sa présence dans les circuits internationaux. La galerie devient un espace où s’articulent singularité esthétique et visibilité publique, selon une logique de risque assumé.
Ce rôle s’enracine dans une architecture du champ artistique libérée de toute autorité centrale pour décréter la valeur, qui se construit dans la rencontre entre regard critique, intérêt du collectionneur et intuition curatoriale.
Après 1945, la France affirme néanmoins le rôle central de l’État dans la vie artistique. L’objectif est double : préserver la liberté des créateurs tout en assurant un accès élargi aux œuvres. L’État, particulièrement après Pompidou, cherche une troisième voie : être garant de la pluralité esthétique (et de l’innovation) sans être prescripteur.
Ce modèle, structurant, n’est pas exempt d’ambiguïtés. Par son intervention, l’État a contribué à l’émergence d’un « art institutionnalisé », une production esthétique rebelle mais soutenue8, souvent déconnectée des circuits marchands et du grand public. Marc Fumaroli a dénoncé cette mécanique bureaucratique qui, selon lui, étouffe la spontanéité créative, favorise l’entre-soi et assèche le lien vivant entre l’art et la société9.
L’explosion de la créativité
Le libéralisme, dans sa dimension politique, a par ailleurs favorisé le déploiement de la créativité artistique.
La libéralisation progressive des sociétés au xixe siècle a ouvert un espace où l’expérimentation et la remise en cause de la tradition deviennent possibles – et valorisées. C’est Courbet qui, parmi les premiers, a profité de cette affirmation de la liberté : en 1855, en marge de l’Exposition universelle, il installe son pavillon et fait le pari du marché – et du public.
La rupture avec l’académisme (et une fonction informative de l’art) s’impose avec Manet : avec son Déjeuner sur l’herbe de 1863, le visible prend le pas sur le lisible, étape que consacrera l’impressionnisme, en faisant valoir la revendication des artistes d’être libres de leurs sujets10.
Progressivement s’installe l’idée que l’avant-garde représente une rupture, voire une provocation, dans une quête constante d’innovation. En Allemagne, puis en Autriche, des artistes font ainsi même « Sécession ». Les avant-gardes prospèrent et se lient, dans une triple démarche d’inspiration et de concurrence, de nationalisme et de cosmopolitisme, de sédentarité et de circulation11.
L’innovation artistique est aussi permise par certaines des évolutions techniques qu’a apportées la révolution industrielle : l’invention du tube de peinture permet de peindre en plein air et le chemin de fer ouvre de nouveaux horizons. La circulation des œuvres, des artistes et des idées s’accélère.
Plus encore, la technique va ébranler la peinture. Walter Benjamin montre comment la photographie libère l’œuvre de sa fonction mimétique12. Progressivement, la reproductibilité technique de l’image pousse l’art vers une quête d’abstraction13 et de subjectivité radicale (Giacometti dira que « la photographie donne une vision suffisante du monde extérieur pour que l’artiste soit libre de peindre son intérieur14 »).
L’art abstrait en émerge15. Autour des années 1920, une apothéose est atteinte avec des mouvements qui se conçoivent comme des subversions. C’est le dadaïsme, éphémère mais radical, qui, entre la Suisse et Paris, introduit de nouvelles pratiques (collage, poésie sonore, performance, etc.) et se détourne de l’art comme esthétique. C’est le surréalisme, qui s’attaque aux mécanismes de la création – et prospérera dans une démarche internationale16. C’est le constructivisme aussi, apparu en Russie et dont un certain nombre de promoteurs découvriront à leurs dépens les réalités du communisme17.
La création artistique au long du xxe siècle fleurit ainsi dans un cadre permissif, dans lequel l’artiste peut oser, provoquer sans craindre la répression. La dissidence y est d’autant plus tentante qu’elle est valorisée : le marché recherche l’innovation – non sans rappeler un processus schumpétérien.
Le régime libéral favorise d’ailleurs tant la création artistique que, durant toute la Guerre froide, celle-ci va devenir associée au bloc démocratique. Les États-Unis vont s’imposer comme une terre de liberté créative et s’inscrire dans une vocation universelle, faisant de New York la « capitale mondiale de l’art18 ».
Dans un contexte de lutte contre le totalitarisme, l’art américain (avec Newman, De Kooning, Motherwell, Still) va devenir un vecteur d’influence19 – et l’expressionnisme abstrait un symbole et un outil de rayonnement du « monde libre »20.
Libéralisme et pluralité artistique
La création artistique a aussi bénéficié de la valorisation de la pluralité dès la fin du xixe siècle21, trait marquant des régimes démocratiques. Plus tard, à New York, coexistent des mouvements aussi divergents que l’expressionnisme abstrait de Rothko ou Pollock, le minimalisme rigoureux de Donald Judd, le pop art de Lichtenstein ou le conceptualisme radical d’On Kawara. Seules les sociétés libérales, qui tolèrent – et promeuvent – la coexistence d’approches contradictoires, ont permis ces élans.
La figure de l’artiste moderne, telle qu’elle s’est cristallisée au cours des xixe et xxe siècles, ne peut être comprise indépendamment de ces transformations qui ont redéfini les conditions de la création. Le marché de l’art, en se libéralisant, a construit un espace concurrentiel non prescriptif dans lequel le statut d’artiste repose sur sa capacité à transgresser, à imposer une valeur qui ne se mesure ni par l’utilité, ni par la conformité, mais par l’innovation, l’originalité et la puissance expressive. L’artiste affirme son individualité tout en revendiquant appartenir à une élite culturelle qui s’autolégitime par sa singularité. À la fois acteur d’un espace concurrentiel et porteur d’un sens qu’il autodéfinit, l’artiste semble incarner la figure la plus achevée d’un individu créateur en régime démocratique : il touche au cœur des dynamiques de l’individualisme et de ses tensions, entre reconnaissance de l’unicité et recherche d’une légitimation collective, mais choisie. Il en devient parfois lui-même l’objet de la création artistique, proposant des « performances » éphémères22.
Toute cette évolution permise par la liberté de création, accrue par la pluralité des expressions et soutenue par le dynamisme du marché est au fondement du « paradigme de l’art contemporain23 », dans lequel la cohérence d’un projet, son positionnement critique ou sa capacité à produire du sens peuvent primer sur la virtuosité technique.
Un raisonnement inverse rappelle que les régimes autoritaires ont systématiquement restreint la liberté de création. Mergenthaler, ministre de la Culture de Hitler, expliquait que « la révolution nationale est (…) avant tout culturelle24 ». Dès lors, les nazis condamnent ce qui ne correspond pas à leur idéologie : ils organisent en 1937 l’exposition Entartete Kunst (« Art dégénéré »), qui condamne les avant-gardes.
En URSS, la même répression s’observe : seule importe la ligne du parti. André Gide a pointé le conformisme qui pesait à Moscou : « Je doute qu’en aucun autre pays aujourd’hui, fût-ce dans l’Allemagne de Hitler, l’esprit soit moins libre, plus courbé, plus craintif (terrorisé), plus vassalisé25 » (il écrit en 1936). Des artistes comme Malevitch, Chostakovitch ou Prokofiev sont réduits au silence.
Cette répression est structurelle, car ces régimes refusent la pluralité, l’ambiguïté, l’ironie – tout ce qui fait la création libre. Seules les démocraties libérales offrent un espace pour l’hétérodoxie et l’innovation artistiques.
Le xxie siècle et la société d’abondance
Au xxie siècle, l’art a pleinement intégré la société de consommation : il se déploie à l’heure de l’abondance.
La fin des années 1980 et la mondialisation ont accéléré la croissance mondiale, permettant à de nouvelles masses d’accéder à la fortune – et au marché de l’art. Dans une logique d’extension continue, l’ouverture du marché mondial, fait de réseaux d’information, de connexions et de commercialisation, a généré une inflation de production. L’art s’en retrouve dans une dynamique propre aux sociétés d’abondance : « starification », « événementialisation », « commoditisation », sélection…
Au cœur des réseaux internationaux, les galeries affirment et étendent leur rôle, dans la continuité de leurs pairs, se muant en « agents » des artistes, chargés de les promouvoir dans un marché toujours plus compétitif. Dans cette économie se retrouve une dynamique de « starification » de certains artistes, parfois à la tête de véritables entreprises de production. Le principe du « winner takes all », si marqué dans l’économie du numérique, fait émerger une poignée de figures dominantes (par exemple Hirst, Kusama, Koons ou Richter).
L’« événementialisation » de l’art passe par l’organisation de foires comme Art Basel, Frieze ou TEFAF, qui sont de véritables plateformes mondiales d’exposition, d’échange et de reconnaissance. Elles font et défont des réputations, déterminent les valeurs, internationalisent les artistes – et se structurent en marques commerciales. Elles contribuent aussi à structurer, rythmer et unifier le marché mondial26.
Dans cette société contemporaine, l’art se retrouve dans une « esthétisation du monde27 », présent dans tous les domaines et sur tous les modes de vente. Il en ressort une forme de « commoditisation ». Pour certains, l’art s’est dilué et se retrouve « à l’état gazeux28 ». Cette critique a le mérite d’avoir renouvelé le débat sur l’esthétique29 ; mais, si l’excès existe, comme dans l’économie plus largement, il est trié, canalisé, corrigé. L’abondance n’est pas synonyme d’une disparition de la valeur, mais motrice d’une dynamique de différenciation continue, qui appelle une professionnalisation de la sélection.
Tout comme les moteurs de recherche qui, dans une économie d’abondance de biens ou d’information, valident les choix les plus pertinents, les consommateurs d’art sont ainsi en recherche de distinction et de sélection, c’est-à-dire d’un accompagnement par des tiers de confiance, spécialistes, qui disposent des meilleures informations pour leur permettre de trouver les œuvres qui leur correspondent le mieux et qui vont en certifier la valeur. La figure du « curateur » est devenue une référence essentielle sur le marché30 (à l’image de Hans Ulrich Obrist, Harald Szeeman ou Carolyn Christov-Bakargiev). Ainsi, « les activités de filtrer, permettre, synthétiser, encadrer » deviennent déterminantes, « comme instruments de navigation dans la vie au xxie siècle31 ».
Un nouvel ordre culturel
Venant en relais des offres muséales publiques et portées par des fortunes qui se sont déployées dans le contexte de mondialisation, les fondations et musées privés se sont multipliés.
Depuis les années 1980, des collectionneurs ou des groupes industriels créent des structures autonomes qui incarnent une nouvelle forme de gouvernance culturelle. Les fondations Louis-Vuitton (Paris), Pinault (Venise, Paris), Cartier (Paris), Beyeler (Suisse), Prada (Milan), Nasher (Dallas), les musées Berggruen (Allemagne, Venise), Voorlinden (Pays-Bas) ou la Menil Collection (Houston) en sont les exemples les plus connus. Au total, le monde en compterait entre 400 et 500 consacrés à l’art, dont 80 % auraient ouvert depuis 200032, qui exposent et contribuent à l’innovation, alliant résidences, commandes et récompenses grâce à des moyens financiers indépendants.
Ces fondations disposent d’un pouvoir d’action incomparable, notamment en matière d’exposition, d’achat et de programmation. Un exemple frappant est l’exposition David Hockney 25, inaugurée en avril 2025 à la Fondation Louis-Vuitton. Cette rétrospective, couvrant 70 ans de la carrière de l’artiste, présente près de 400 œuvres provenant de musées internationaux et de collections privées – Londres, Oslo, Milan, Dallas, Berlin – ainsi que de son propre atelier (à titre de mesure, le coût d’expédition et de transport d’un tableau de taille moyenne des États-Unis vers l’Europe est de 3 000 dollars33).
En concentrant production, exposition et diffusion, les fondations façonnent les œuvres contemporaines et les trajectoires professionnelles avec une efficacité rarement égalée. Elles en deviennent des acteurs centraux de la création contemporaine.
Face à cette montée en puissance du secteur privé, le rôle des institutions publiques se redéfinit. Leurs musées restent garants de la conservation patrimoniale, de la diffusion éducative et de l’ancrage territorial de la culture. Ils deviennent aussi des marques et des outils de soft power, comme le Centre Pompidou, le Louvre ou le musée d’Orsay, la Tate ou le MoMA. Ils collaborent au demeurant avec le secteur privé qui peut les financer ou contribuer aux collections.
Ce modèle hybride, qui associe solidité institutionnelle et agilité entrepreneuriale, permet de répondre aux défis du monde contemporain : diversification des publics, soutien à l’innovation, internationalisation de la scène artistique. Il dessine les contours d’une gouvernance partagée de la culture, qui n’est plus seulement l’affaire de l’État, mais d’une constellation d’acteurs interdépendants.
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L’art moderne et contemporain n’est donc pas l’enfant naturel d’une pure transcendance esthétique : il est le produit philosophique, politique et économique d’un système libéral. Sans libéralisme, la création artistique n’aurait jamais connu cette effervescence, n’aurait jamais eu une histoire si riche. Il a offert à l’artiste la liberté de transgresser, de vendre, de survivre, de briller.