Les caractères immortels
Marcel Proust
N°22/Été 1983
Ce fut pour les premiers éditeurs des volumes posthumes de Proust un travail de bénédictin que d'identifier d'innombrables feuillets, collés ou non, béquets fixés aux épreuves, adjonctions de toutes sortes, et de les intégrer dans le texte principal. Les pionniers de l'édition proustienne ont dû opérer un choix, un tri sévère, et plusieurs de ces « paperoles » (le terme est de Céleste), n'ayant pu trouver apparemment leur place sont demeurées inédites. C'est l'un de ces feuillets que Denise Meyer présente ici dans Commentaire en 1983, et probablement l'un des plus longs. Recueilli par un fidèle proustien qui le conserve depuis un demi-siècle, il n'a encore été vu de personne. Nos lecteurs seront les premiers à le lire. Cet extraordinaire béquet, composé d'une douzaine de fragments inégaux d'un papier à lettres très ordinaire et de petit format, collés avec le plus grand soin, forme une bande large de douze centimètres et longue de deux mètres et vingt-trois centimètres. Entièrement de la main de Proust (à l'exception de deux ou trois lignes dictées à Céleste), le document constitue un tout indivisible et si un ou deux mots manquent, laissés en blanc par l'écrivain, la continuité du morceau et sa signification n'en souffrent en aucune manière. Son propos même ne peut guère laisser de doute : il doit s'agir d'un chapitre du Temps retrouvé. [Lire gratuitement l'article]
Chateaubriand et Proust
Bernard de Fallois
N°93/Printemps 2001
Pour éclairer Chateaubriand, en quelque sorte, de l'extérieur, on a souhaité le comparer à un écrivain de même envergure. Les « parallèles » ne sont pas seulement une méthode critique, ils sont avant tout une constance mystérieuse de notre littérature, et comme un trait de son génie propre. Qui convoquer pour cette confrontation ? Le choix est difficile. [Lire l'article]

Bernard de Fallois et Proust
Jean-Claude Casanova
N°163/Automne 2018
En 1952, dans sa préface à Jean Santeuil, André Maurois, qui avait compulsé les manuscrits de Proust pour préparer sa biographie, écrit : « quand Bernard de Fallois, jeune agrégé des lettres, vint me dire qu'il écrivait une thèse sur Proust, je priais Mme Mante de l'autoriser à voir ces dossiers et à les dépouiller. Elle lui remit non seulement les soixante-dix cahiers qu'il acheva de mettre au net, mais des caisses de feuillets épars, déchirés, qui, au moment de la mort de Marcel, étaient au garde-meuble. Bernard de Fallois entreprit d'engranger cet abondant regain. Sa prescience, sa ténacité, sa pieuse et patiente minutie furent récompensées par la joie de reconstituer un roman tout entier : Jean Santeuil. » [Lire l'article]

Proust 1892-1893
Le secret et l'aveu
Bernard de Fallois
N°163/Automne 2018
Il s'agit d'une étude approfondie du premier livre publié par Proust (Les Plaisirs et les jours), en parallèle avec des textes écrits à la même période et que Proust avait conservés en manuscrits ou publiés dans des revues sans les retenir pour ce recueil. On verra que ces textes révèlent le secret et l'aveu présents dans toute l'œuvre de Proust. Nous publions les pages 67 à 98 du document en ma possession, en espérant que l'on retrouvera et que l'on éditera l'ensemble des textes rédigés avant et après celui-ci. Joints à tout ce que Fallois a publié par ailleurs sur Proust, nous disposerons en plusieurs livres d'un gros recueil : Essais sur Proust par Bernard de Fallois. Et, comme il nous charmait et nous éduquait quand il commentait Proust devant nous, il charmera et éduquera d'autres lecteurs, qui ne l'auront, hélas, pas connu. [Lire gratuitement l'article]

Lecteurs de Proust
Bernard de Fallois
N°162/Été 2018
Proust apprend beaucoup à ses lecteurs. Que peuvent-ils nous apprendre sur lui ? Rien peut-être. L'audience d'un grand écrivain n'intéresse pas ordinairement le critique, et on le comprend. Il y voit une question secondaire, dont il parle en quelques lignes, s'il en a le temps, à la fin de son étude, un peu comme il a parlé de la biographie de son auteur, comme il parlera de son influence sur ses successeurs : chapitres qui se ressemblent, qui se répondent, d'importance égale, c'est-à-dire presque nulle. Certes, sans l'auteur, qui la crée, le public, qui la recrée, l'œuvre ne serait pas. Mais entre les deux, n'attendant encore rien de l'un, ne devant plus rien à l'autre, l'œuvre s'est mise à vivre son existence propre : elle a son climat, son équilibre, ses lois, ses proportions, son organisme, sa respiration même. C'est cette existence qui a requis tous les soins de l'artiste, au point que le plus souvent il n'a même pas eu le temps de s'interroger sur son sort futur, lorsqu'elle se serait détachée de lui. Et c'est cette existence que le critique, levant tous les masques successifs que des générations de lecteurs lui ont appliqués, essaie de retrouver. [Lire l'article]
Proust serrurier
Thierry Laget
N°170/Été 2020
Bernard de Fallois fut, dans les années 1950, l’un des tout premiers à étudier les papiers de Marcel Proust. Il y découvrit des inédits capitaux, Jean Santeuil et Contre Sainte-Beuve, qui dessinèrent plus nettement la silhouette de l’écrivain, non plus comme celle d’un dilettante qui, sur le tard, se retourne sur son passé, mais comme celle d’un homme qui n’a cessé de chercher la pierre philosophale et ne l’a trouvée qu’après de longs et silencieux échecs. [Lire l'article]

Proust avec Fallois
Christophe Mercier
N°165/Printemps 2019
Voilà un peu plus d'un an que Bernard de Fallois a disparu et, comme à tous ses amis, sa générosité, son intelligence, sa drôlerie, sa mauvaise foi feinte et son systématique esprit de contradiction me manquent. Lors de nos déjeuners, il parlait peu de Proust, et je préférais lui poser des questions sur Simenon et Pagnol qu'il avait très bien connus (parvenant même à avoir avec Simenon une forme d'intimité, ce qui ne devait pas être facile). Plusieurs fois je lui ai suggéré d'écrire ses mémoires, mais sa réponse n'a jamais varié : il n'en était pas question. Il n'était pas écrivain, disait-il, et tout au plus avait-il accepté du bout des lèvres que Gallimard rééditât son essai, définitif, sur Simenon. [Lire l'article]

Hugo, Balzac et Proust relus et corrigés
Sylvain Prudhomme
N°164/Hiver 2018
Les bacs de livres d'occasion sont pleins de surprises. J'ai acheté ce volume relié de cuir il y a un an ou deux dans un vide-greniers en Bretagne, pour le prix d'un poche : Manuel illustré d'histoire de la littérature française, daté de 1929. C'est le nom des auteurs qui m'a décidé. Lanson et Tuffrau. J'ai reconnu Lanson : le professeur dont se moque Roland Barthes dans les écrits fondateurs de la nouvelle critique. Lanson le repoussoir, le ringard, le balourd. Le naïf qui pensait qu'on pouvait expliquer la vie d'un auteur à partir de son œuvre. Et puis, il y a quelques jours, voici que j'ouvre le volume et que j'en reste scié. C'est une critique d'un genre disparu. Une critique à la papa, remplie de son importance, agaçante, hautaine. Et en même temps c'est alerte. C'est vif. C'est souvent merveilleusement juste. [Lire l'article]

Proust et Deleuze
Antoine Antonini
N°154/Été 2016
Dans l'essai qu'on va lire à propos d'un livre de Deleuze, l’auteur offre sa propre interprétation de l'œuvre de Proust, l'un de ses écrivains de prédilection. Quand Deleuze publia son livre Proust et les signes (PUF, 1971, 195 pages), Antonini le lut attentivement mais manifesta à Deleuze son désaccord. Il publia cet article sous le titre « Proust et les signes », dans une revue cosmopolite et éclairée, née dans les années trente à New York. Deleuze, convaincu par les arguments d'Antonini, après de longues discussions dans le style que ce dernier affectionnait, lui écrivit qu'il se rendait à ses raisons. [Lire l'article]

Pourquoi prenons-nous plaisir
à lire Proust ?
Alain Besançon
N°137/Printemps 2012
Il faut connaître la base philosophique de Proust, puis n'y plus penser. On trouve dans Le Temps retrouvé des paraphrases et des citations textuelles du Monde comme volonté et comme représentation. Proust n'est pas le seul. L'ombre de Schopenhauer s'étend sur un bon demi-siècle depuis Flaubert (qui ne l'a lu qu'à la fin de sa vie, mais était parvenu à des considérations semblables) jusqu'à Simenon, en passant par Maupassant et Céline. Le message est le suivant : l'homme ordinaire est condamné, sa vie est courbée vers l'insignifiance, la médiocrité, la reproduction de l'espèce. Qui échappe à la fatalité ? L'artiste, l'homme de génie. La Recherche, on l'a dit souvent, est la naissance au génie du narrateur. À l'extrême fin du roman, après avoir perdu beaucoup de temps, après avoir laissé tout son monde s'engloutir dans le néant, il a la révélation, il va se mettre à l'ouvrage. La chrysalide s'est ouverte, la métamorphose s'est opérée. Il va enfin écrire l'histoire de son aventure spirituelle, son roman. C'est déjà fait. Il peut mourir. L'œuvre est là. Proust meurt libre, sauvé. [Lire l'article]

Proust, Céline :
convictions philosophiques ?
Alain Besançon
N°68/Hiver 1994
On paye au prix fort de vivre en province. On paye au prix fort de mépriser, de négliger, ou simplement d'ignorer la stratégie médiatique qui fait connaître, non, bien sûr, la teneur d'un livre, mais parfois son titre et le nom de l'auteur. Quand ces deux handicaps se joignent, cela devient une malédiction. Anne Henry s'est fait connaître, pas assez, par ses travaux sur Proust. Travaux d'une rare vigueur, en complète rupture avec l'hagiographie bêlante qui entoure cet auteur mais qui, en revanche, font avancer dans sa compréhension. [Lire l'article]


Marcel Proust : l'autoportrait éclaté
Donatien Grau
N°120/Hiver 2007
Où est le sujet ? Telle est la question qui habite les études proustiennes depuis leur origine. D'une certaine façon, il serait possible de dire que cette interrogation prend l'apparence d'une opale : un caprice de la mode, tantôt prisé, tantôt abandonné, une pierre aux reflets toujours changeants, selon la lumière qui l'éclaire, un joyau qui porte malheur. Les interprétations sur la place du moi dans À la recherche du temps perdu témoignent des affections et des désaffections d'une sorte de « public » littéraire : pendant quarante ans, les analyses sur « où est l'auteur ? » ont été complexes, fructueuses et fécondes. [Lire l'article]

Retour à Proust par Sainte-Beuve
Donatien Grau
N°141/Printemps 2013
Étudiant, Donatien Grau publiait dans Commentaire son premier essai proustien, Marcel Proust : l'autoportrait déclaré. Voir ci-dessus. Aujourd'hui agrégé des lettres et fidèle à notre revue, il livre à nos lecteurs un extrait de son livre paru en janvier 2013 : Tout contre Sainte-Beuve. L'inspiration retrouvée (Grasset, « Figures »). [Lire l'article]

Proust sous l'œil du critique
Donatien Grau
N°131/Automne 2010
Il est des écoles où le sujet qui se cherche risque de se perdre et, en se perdant, gagne la chance de se trouver : telle est, au fond, la leçon de l'étude proustienne parue en janvier 2010 sous la signature de Diane de Margerie. Proust et l'obscur : le titre est explicite. L'auteur aspire à rendre compte des aspérités d'une écriture, de ce qui, dans un ouvrage aussi foisonnant que l'est À la recherche du temps perdu, se situe du côté de l'ombre et de la face cachée du réel. Un tel intérêt la conduit à examiner avec une attention toute particulière le « côté sombre et obsessionnel de Proust ». [Lire l'article]
