Lisons, relisons Commentaire (II)

La lettre du vendredi 27 mars 2020

Poursuivons ce que nous avons entrepris la semaine dernière, pour lire et relire reprenons les numéros de Commentaire parus entre 1981 et 1984. La France connaît avec l’élection présidentielle de 1981 une profonde mutation politique. En 1983, nous perdons, hélas, Raymond Aron. Nous décidâmes de poursuivre sans lui, mais en songeant sans cesse à lui. On trouvera ici un choix d’articles de cette période. Ils traitent de questions classiques, qui parce qu'elles sont classiques restent permanentes.

Paix et guerre

De Yalta à Varsovie

Jean Laloy
N°17/Printemps 1982

Certains noms de lieu sont des symboles : Versailles, Rapallo, Munich, Pearl-Harbor. Yalta, au moins en France, est le symbole de la division de l'Europe. Aux États-Unis, après diverses polémiques, on ne cherche plus guerre qu'à évaluer la portée des accords : compromis équilibré ou accords improvisés ? Modèle à  imiter ou à  éviter ? En Allemagne, jusqu'ici, Yalta n'était pas un terme de référence. L'Allemagne n'était pas à Yalta. Et pour cause ! En France, beaucoup croient qu'à Yalta, les deux « superpuissances» se sont partagé l'Europe. Sous ce jugement pour le moins téméraire, se découvre l'idée cachée : si la France avait été là , ça ne serait pas passé comme ça. Cocorico ! On tentera ici de replacer les négociations de février 1945 dans l'enchaînement des événements de façon à mieux saisir comment l'Europe s'est trouvée divisée et pourquoi. [Lire la suite]

 

Les armes nucléaires et le Mouvement de la paix

Henry Kissinger
N°20/Hiver 1982

Dire que les armes nucléaires ont ajouté une nouvelle dimension à la guerre et à l'existence humaine elle-même, qu'elles rendent désuets les concepts traditionnels de victoire militaire, qu'elles mettent en jeu la vie civilisée et peut-être l'humanité elle-même, n'a rien de nouveau. Certains d'entre nous ont lancé des avertissements pendant plus de vingt années pour nous prévenir qu'une dépendance excessive par rapport aux armes nucléaires conduirait à plus ou moins longue déchéance à la paralysie psychologique de la stratégie de défense de l'Occident. Là  où nous nous séparions de l'agitation actuelle, c'était dans notre rejet de l'unilatéralisme. Nous en étions arrivés à la conclusion que la réduction de la dépendance par rapport aux armes nucléaires nous obligeait à rechercher d'autres moyens de défense, et en particulier un renforcement des forces classiques. On ne doit pas permettre au désir de paix des démocraties de devenir une arme pouvant être utilisée comme moyen de chantage par les moins scrupuleux. [Lire la suite]

 

La nécessité de l’audace

Pierre Hassner
N°27/Automne 1984

Le texte qu'on va lire est celui du discours prononcé au Bundestag par l'ancien Chancelier Helmut Schmidt le 28 juin 1984, au cours du débat consacré au sommet européen de Fontainebleau. Nous avons choisi de le reproduire pour plusieurs raisons. Premièrement, ce qui devrait suffire, c'est un grand texte : son éloquence, son ampleur de perspectives, le caractère concret et novateur de ses propositions le situent sur le même plan que les discours célèbres auxquels il se réfère ou auxquels il répond. Deuxièmement, il n'a pas eu tout l'écho qu'il méritait, en partie par hasard (la grève des imprimeurs allemands), en partie parce que, tout en étant certainement l'homme politique allemand le plus populaire et, probablement, le plus respecté et le plus compétent en matière de défense et d'économie, Helmut Schmidt n'engage plus ni son pays ni (encore moins, pourrait-on dire) son parti ; enfin, parce que, tout en répondant comme il le souligne au discours de Strasbourg de François Mitterrand et plus généralement aux initiatives françaises en matière de défense européenne, il prend dans une certaine mesure les milieux officiels, les milieux spécialisés et peut-être les milieux politiques français en général, à contre-pied. Et c'est bien là , justement, la raison principale pour laquelle nous souhaitons le soumettre à nos lecteurs. [Lire gratuitement la suite]

 

La France, l’Allemagne et la défense européenne

Helmut Schmidt
N°27/Automne 1984

Quelle est la réalité qui émerge clairement du sommet de Londres, comme de celui de 1983 à  Williamsburg ou, déjà, de celui de 1982 à Versailles ? C'est que, faute d'unité, l'Europe pèse de moins en moins lourd sur le plan mondial aussi bien au point de vue de la politique économique qu’à celui de la politique stratégique. C'est ce qu'on pouvait constater hier et avant-hier et qu'on peut toujours constater après Fontainebleau en lisant la presse internationale : du Wall Street Journal à la Pravda, c'est le même jugement. Ajoutons que la République fédérale allemande perd elle aussi de plus en plus de poids international. [Lire la suite]

 

Une journée décisive : le 7 mars 1936

Alfred Fabre-Luce
N°13/Printemps 1981

Alfred Fabre-Luce a choisi d'étudier, dans un livre qui paraîtra chez Julliard, Douze journées décisives. Ces journées sont choisies entre 1914 et 1966. Elles s'inscrivent, date après date, dans une histoire continue : celle d'une abdication de l’Europe. Et pourtant à chacune de ces dates il était du pouvoir des hommes politiques d'orienter différemment les choses. On le verra à  propos du 7 mars 1936: date de la remilitarisation de la Rhénanie : qui ignore les leçons du passé est condamné à  le répéter. [Lire la suite]

 

Idées

Après Montaigne. Réflexion sur la modernité

Jean Starobinski
N°17/Printemps 1982

Montaigne s'était réconcilié avec le monde phénoménal. Il l'avait d'abord déclaré fallacieux et instable ; mais l'être stable et vrai restant inaccessible derrière les apparences, Montaigne acceptait finalement de s'abandonner, en pleine conscience, au flux incessant de ce qui s'offre et se dérobe à  notre prise sensible, à la fois imparfaite et pleine. Les successeurs de Montaigne toutefois ne se contenteront plus de cette solution phénoméniste, qui ramène l'esprit à son point de départ, humilié dans son premier espoir, mais aussi récompensé par l'attention plus heureuse qu'il porte désormais à sa condition naturelle. À partir de la même critique des apparences, du même doute initial, ceux-ci écarteront les « idoles », feront « table rase », et construiront, dans le langage mathématique (sous le contrôle d'une expérience toujours plus adéquate à l'objet), les lois qui nous donneront prise, à toutes fins utiles, sur le monde matériel. Le doute ne sera désormais qu'une précaution critique préliminaire précédant la construction des équations et des observations certaines. Le discours de la science moderne se développera désormais dans une polémique incessante contre les illusions de la perception sensible et de l'imagination indisciplinée, et cette critique n'en restera plus aux conclusions de Montaigne, qui réduisait l'esprit à ne saisir finalement que soi-même, dans son dénuement et dans sa variabilité instantanée : le progrès du savoir fera naître une confiance toujours plus assurée à l'égard des pouvoirs de la connaissance, armée de l'outil mathématique et de la méthode expérimentale. L'on peut recourir au futur de l'indicatif pour dire que la science (dont Montaigne n'espérait rien) ne cessera de se développer, et que les hommes pourront compter sur elle pour dominer les forces hostiles de la nature. [Lire la suite]

 

Les intellectuels et la politique

Raymond Aron
N°22/Été 1983

Nos lecteurs trouveront ici le texte d'une allocution de Raymond Aron au président et aux membres de la faculté de l'Institut Weizmann de Jérusalem. L'Institut a décerné en 1983 son doctorat honoris causa à plusieurs personnalités. Raymond Aron s'exprime au nom des savants choisis et invite ses interlocuteurs à quelques instants de réflexion sur la destinée des intellectuels, entraînés bien souvent, fût-ce contre leur gré, dans les tempêtes de l’histoire. [Lire gratuitement la suite]

 

Orwell ou l’horreur de la politique (I et II)

Simon Leys
N°24/Hiver 1983 et N°25/Printemps 1984

On a peine à croire qu'il y a déjà trente-trois ans qu'Orwell dort dans son petit cimetière campagnard. Ce mort continue à nous parler avec plus de force et de clarté que la plupart des commentateurs et politiciens dont nous pouvons lire la prose dans le journal de ce matin. Et pourtant, en France, il demeure sinon inconnu, du moins largement mécompris. Est-ce seulement un effet de l'incurable provincialisme culturel de ce pays ? En fait, le malentendu qui l'entoure ici doit avoir également des causes politiques, semblables peut-être à celles qui permirent jadis à Sartre et Beauvoir d'excommunier si durablement des rangs de l'intelligentsia bien-pensante un Camus ou un Koestler, coupables de la même lucidité. [Lire la suite partie I et partie II]

 

Jules Ferry et la tradition positiviste

Claude Nicolet
N°18/Été 1982

Le positivisme de Ferry est une évidence. On pourrait presque s'étonner que les historiens les plus récents aient eu à rouvrir, au moins partiellement, un dossier qui ne pouvait faire de doutes pour les contemporains. Seul le purgatoire où se trouve encore l'historiographie de la Troisième République en explique sans doute la nécessité. Ces études récentes ont apporté, comme chacun sait, beaucoup de neuf, en particulier quelques textes inédits ; il était d'autre part nécessaire de rappeler la cohérence philosophique et la hauteur de la visée chez un homme de la stature intellectuelle de Ferry. [Lire la suite]

 

Le destin de la philosophie kantienne

Philippe Raynaud
N°26/Été 1984

La récente traduction de l'ouvrage classique d'Ernst Cassirer sur Les systèmes post-kantiens ne contribue pas seulement à mieux faire connaître un penseur original qui fut aussi un très grand historien de la philosophie. C'est aussi l'occasion, pour le public philosophique français, de reconsidérer l'ensemble de la période la plus créatrice de la philosophie allemande, grâce à une interprétation extrêmement cohérente et puissamment originale qui, comme le remarquent les traducteurs, est profondément différente des conceptions communément admises en France comme en Allemagne. Peut-être aussi l'intérêt porté tardivement à un tel ouvrage est-il l'indice de certains changements de la culture philosophique française. [Lire la suite]

 

Le miroir totalitaire. Le totalitarisme soviétique
vu de l’ouest

Pierre Hassner
N°26/Été 1984

Pierre Hassner a participé au Colloque sur le totalitarisme, organisé en février 1984 à Paris, par  Sciences Po. Nous publions ici le texte de son intervention. [Lire la suite]

 

Ce qui est vivant (et ce qui est mort)
dans l’idéal social-démocrate

Leszek Kolakowski
N°18/Été 1982

L'article de Leszek Kolakowski que nous publions vient à son heure. Aussi souhaitons-nous en faire, dans nos prochains numéros, le point de départ d'un débat français sur la signification et l'avenir de la social-démocratie. [Lire la suite]

Ce qui est vivant (et ce qui est mort) dans l’idéal social-démocrate. Un débat français

N°19/Automne 1982

En publiant l'article de Leszek Kolakowski nous souhaitions en faire le point de départ d'un débat sur la signification et l'avenir de la social-démocratie. Ce débat n'avait de sens que s'il s'établissait entre intellectuels d'opinions différentes, notamment entre des libéraux (au sens politique) et des socialistes. Pourquoi un débat français ? Parce qu'à la différence de ses voisins du Nord ou de l'Est, la France n'a jamais connu d'expérience social-démocrate. Parce que le parti socialiste français, dans certaines de ses composantes, dans plusieurs de ses documents doctrinaux, répugne à assimiler ses positions à celles de la social-démocratie du nord de l'Europe et n'a pas tranché radicalement tout lien avec le léninisme. Parce que, pour beaucoup d'intellectuels français, de droite ou de gauche, la social-démocratie reste timorée ou prosaïque, incapable donc d'assumer les destinées du prolétariat révolutionnaire, la transformation profonde de la société, ou les ambitions d'une nation exemplaire. Enfin, parce que l'expérience gouvernementale menée par le parti socialiste français doit susciter une attention particulière pour savoir vers quel type de société elle est susceptible de conduire notre pays (s'agit-il bien de social-démocratie ?), pour se demander si la social-démocratie demeure bien le remède à nos maux et l'idéal à poursuivre. À ces particularités françaises s'ajoutent d'autres raisons. Les conséquences sur le fonctionnement des économies occidentales des systèmes de redistribution et de garantie sociale, plus ou moins liés à la social-démocratie, font l'objet de discussions en raison de leurs effets sur la croissance et l'inflation. Ces discussions réaniment un vieux débat politique : celui de l'indépendance des individus face à l'État et aux systèmes sociaux.

Jean-Claude CASANOVA, Un débat français

Bernard CAZES, Défis du passé et défis du futur

Jean-Claude COLLI, Voyage en social-démocraties

Jean-François DENIAU, L'ordre des mots

Pierre DROUIN, Contre l'hypertrophie des "valeurs" politiques

Alfred FABRE-LUCE, Il n'y a pas lieu de considérer les libéraux comme moralement inférieurs aux sociaux-démocrates

André FONTAINE, Comment peut-on ne pas être social-démocrate ?

Alfred GROSSER, Réponse à Leszek Kolakowski

Georges LAVAU, La social-démocratie : oui, mais…

Bernard MANIN, Que la social-démocratie n'est pas seulement une forme modérée de gouvernement

Michel ROCARD, La social-démocratie et la liberté

Lionel STOLERU, L'intelligence du doute

Alain TOURAINE, À partir d'une critique de la social-démocratie

 

Politique française

De Malraux à Lang: l’excroissance
des Affaires culturelles

Marc Fumaroli
N°18/Été 1982

Nous avons en France toutes sortes de traditions d'État, et une administration qui, jusqu'à  l'apparition de l'ENA et la croissante influence des syndicats, faisait, semble-t-il, l'admiration du monde entier. Nous avons même une tradition de mécénat d'État, qui se réclame de l'exemple de Colbert. Il y aurait beaucoup à dire sur cet « exemple », emprunté à  une société très différente de la nôtre, et dont le bilan est somme toute moins brillant que celui de la période Anne d'Autriche-Mazarin, moins dirigiste, et pour cause. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur la « tradition » ultérieure : à relire l’histoire à travers des idéaux actuels, on finirait pas croire que chaque époque de notre culture se juge au degré d'intérêt éclairé que les représentants de l'État lui ont porté. En fait, dès l'époque du premier Versailles, le plus étincelant, les écrivains, les artistes, les musiciens attirés par le roi et la Cour s'étaient formés ailleurs, avaient été découverts ailleurs. La société civile, dans sa propre fécondité, a le plus souvent fait surgir de son sein, et selon ce que nous appellerions volontiers, par anachronisme, « l'initiative privée », les virtuoses de la beauté, laissant à la Cour et à l'Église le soin de leur donner ensuite la consécration et la gloire. L'idée selon laquelle l'État est en mesure de créer de toutes pièces, à force de mesures sociales et de dispositions financières, les conditions d'une Renaissance, n'est rien d'autre qu'une nuée, sans aucune assise historique, même en France. [Lire la suite]

 

Pas d’accord. Propositions
pour une opposition libérale

François Bourricaud
N°16/Hiver 1981

Depuis le 10 mai 1981, nous sommes dans l'opposition. En tant qu'opposants, nous avons des droits, mais aussi des devoirs. Notre premier devoir est de nous expliquer. Notre opposition ne procède pas d'un mouvement d'humeur, et elle ne doit pas déboucher sur une stratégie de sabotage. François Mitterrand et ses amis, quand ils étaient dans l'opposition, se sont souvent si mal conduits qu'ils ne seraient point fondés à nous faire reproche de les imiter, mais nous ne le ferons pas. Notre opposition ne sera ni capricieuse ni perverse. Si nous sommes dans l'opposition, c'est parce que nous ne sommes pas d'accord, et nous allons dire pourquoi. [Lire la suite]

 

Après trois ans...

Jean-Claude Casanova
N°27/Automne 1984

Trente-huit mois se sont écoulés depuis les élections législatives de juin 1981. Dix-neuf mois nous séparent encore de celles de 1986. François Mitterrand a donc parcouru les deux tiers du chemin, qui le mène à une échéance décisive pour lui, pour le parti socialiste, pour l'expérience socialiste inaugurée en mai 1981, mais décisive également pour la politique et la société françaises. L'accès au pouvoir de François Mitterrand et d'une majorité socialiste et communiste faisait courir trois risques à notre pays : un risque international, un risque politique et un risque économique. Le premier, le plus grave, a été écarté. Le second, tenant à l'entrée des communistes au gouvernement, a été limité. Le troisième n'a pas manqué au rendez-vous : François Mitterrand et son gouvernement n'ont pas fait la preuve qu'ils savaient gérer une économie moderne. [Lire la suite]

 

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