Macroéconomie du coronavirus
Viven Lévy-Garboua et Gérard Maarek
Vivien Levy-Garboua et Gérard Maarek décortiquent et clarifient les mécanismes économiques à l’œuvre dans la crise actuelle dont ils soulignent qu’elle constitue moins une crise sanitaire qu’une crise liée à la décision publique de confinement. Ils identifient trois scénarios de sortie de crise (retour à la normale, incertitude persistante et deuxième vague) mais démontrent que, même dans le premier scénario, le capital fixe disponible diminue, du fait de l’augmentation des faillites, entraînant le PIB dans sa chute. A contrario de l’activité réelle qui baisse, les encaisses monétaires augmentent avec le quantitative easing. Les auteurs expriment la crainte que cette configuration ne conduise à un retour de l’inflation et à une hétérogénéité accrue des performances économiques nationales, qui devraient générer des désajustements monétaires internationaux et accentuer la fragmentation du monde.
Macron, les écologistes et l’écologie
Philippe Raynaud
Alors que l’année 2019 avait été marquée par les mobilisations « sociales », la période qui a suivi immédiatement la fin du « confinement » et de la « première vague » de l’épidémie a vu, brièvement peut-être, le retour des questions écologiques au premier plan de la vie politique. Il s’est traduit par la coïncidence entre deux événements distincts : la présentation des 149 propositions de la « Convention citoyenne pour le climat » et l’élection de maires « écologistes » à Bordeaux, Lyon et Strasbourg, à quoi il faut ajouter la réélection à Paris d’Anne Hidalgo, dont la campagne et le programme étaient en fait plus « écologiques » que « sociaux ». Tout cela a lieu par ailleurs dans un contexte global dans lequel les questions d’environnement pèsent d’un poids nouveau dans la formation des clivages politiques des démocraties et dans l’évolution des conditions de l’action publique. Contrairement à ce que certains imaginaient, le changement de gouvernement ne s’est accompagné d’aucun signal important en direction de « l’aile gauche » de la majorité, qui est aussi la plus favorable aux thèmes écologiques, mais cela ne signifie pas que la montée de ces thèmes n’ait pas eu d’importance dans l’évolution de la politique suivie depuis 2018 par Emmanuel Macron.
Un panda dans la pièce
Pékin entre communisme et mondialisation
Marianne Gray
En 1814, un poète et fabuliste russe, Ivan Krylov, publia une histoire intitulée « L’homme inquisiteur » racontant la visite d’un musée par un homme qui remarqua toutes sortes de petites choses, sans voir l’éléphant, pourtant bien présent au milieu de la pièce. Fiodor Dostoïevski immortalisa ce conte en y faisant référence dans son roman Les Possédés : « Belinski était tout comme l’homme inquisiteur de Krylov, qui n’avait pas remarqué l’éléphant dans un musée, ayant concentré toute son attention sur les scarabées français ; et il n’est pas allé plus loin. » L’image de l’éléphant dans la pièce fut popularisée en anglais, en 1882, lorsque Mark Twain en fit l’intrigue d’une histoire intitulée The Stolen White Elephant. Diplomatie du panda oblige, nous pourrions imaginer que l’épopée de ce conte se poursuit, après l’Oural et la Floride, vers le Hubei et le Sichuan, où l’éléphant croiserait un « grand ours chat »…

SOMMAIRE
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES
Philippe TRAINAR, La période de tous les dangers
Vivien LEVY-GARBOUA et Gérard MAAREK, Macroéconomie du coronavirus
Philippe ITHURBIDE et Didier MAILLARD, Covid-19 : le monde économique d’après
Bruno DURIEUX, Le virus, la relance, l’écologie et l’Europe
Maurice ALLAIS, Économie et politique. De la crise du libre-échange
POLITIQUE MONDIALE
François HEISBOURG, La pandémie remodèle-t-elle la géopolitique ?
Bernard de MONTFERRAND, Le système international d’après. Liberté et réalisme ?
Marianne GRAY, Un panda dans la pièce. Pékin entre communisme et mondialisation
François GIPOULOUX, La Chine : un hégémon bienveillant
Jacques PELLETIER, Les nouvelles routes de la soie
EUROPE
Georges-Henri SOUTOU, 9 mai 1950 : la déclaration Schuman
François-Roger CAZALA, Berta Zuckerkandl. Une Européenne aux deux cultures
SOCIÉTÉ
Christopher CALDWELL, Diversité (II)
Jean-Philippe DURANTHON, À la recherche du temps long
POLITIQUE FRANÇAISE
Philippe RAYNAUD, Macron, les écologistes et l’écologie
Pierre MARTIN, Second tour des municipales. Vagues vertes sur une mer d’indifférence
Jean-Louis BOURLANGES, Valéry Giscard d’Estaing ou le centre en majesté
HISTOIRE
Charles POMARET, Souvenirs de la IIIe République (II)
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CHRONIQUES
SANS COMMENTAIRE : avec la collaboration involontaire de Nicolas Hulot et de Maïa Mazaurette
André PERRIN, Chronique des postures ordinaires
Jean-Thomas NORDMANN, Retour sur Clemenceau et Monet
Philippe RAYNAUD, Une chronique des passions françaises : Baron noir
REVUE DE PRESSE
Zhang JIEPING, La fine membrane entre la liberté et le totalitarisme
François DANJOU, Chine-Europe. La croisée des chemins
TRIBUNE COLLECTIVE, La folie des éoliennes
Éric LE BOUCHER, Les fausses pistes des écologistes
Jean-Éric SCHOETTL, L’expiation ministérielle ne sera jamais suffisante
Klaus Bernhard HOFMANN, Le choix politique d’Angela Merkel
Lawrence H. SUMMERS, Recette pour un désastre. La gauche et la théorie monétaire moderne
William KRISTOL, Un air immonde. Quand Trump offre à Roger Stone sa carte de libération anticipée
LES IDÉES ET LES LIVRES
Simone BERTIÈRE, 1592 : le retour de la paix en France
Sergio ROMANO, Les dérives souverainiste
Pierre MORÈRE, Macaulay : un libéral anglais et la Révolution française
CRITIQUE
Christophe MERCIER, Un véritable écrivain
Vincent LALOY, Le cercle des Malraux
Philippe RAYNAUD, Les nouvelles infortunes de la vertu
Jacques BILLE, Raymond Barre et l’Europe
John ROGISTER, Une histoire du Parlement de Paris
Jean PICQ, La Muse et la Peur
Pierre MORDACQ, Vasily Grossman et le siècle soviétique
Thierry WOLTON, De la Vétchéka à l’Internationale tchékiste
Pierre RIGOULOT, Sur un imposteur de la gauche espagnole
LIVRES CHOISIS
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CITATIONS
Tarō Asō, Différences culturelles ?
Joseph A. Schumpeter, Les politiciens
Friedrich Hayek, Le pouvoir des opinions et des idées abstraites
Paul Morand, Élections académiques
Romain Gary, Les périls de la sensibilité
Friedrich Engels, Sur un courroux moral supérieur
Jean Jaurès, Histoire revisitée
Voltaire, Rescrit de l’empereur de la Chine à l’occasion de la paix perpétuelle
Georges Clemenceau, Les Grecs auraient dû conquérir la Gaule plutôt que la Perse !
Germaine de Staël, À Jefferson, sur l’Amérique
Guy de Maupassant, La grossièreté en politique
Alain, On ne gouverne que l’ombre
François-René de Chateaubriand, Avons-nous souvent refusé ?
André Breton, La vie intellectuelle au lendemain de la Libération
Winston Churchill, Est-il possible de gouverner autrement ?
Pierre-Paul Royer-Collard, Le pouvoir judiciaire est l’écueil naturel de l’indépendance des Chambres
Alain, Les médecins au pouvoir
Winston Churchill, La guerre qui n’était pas nécessaire
Emmanuel Macron, Les qualités des dirigeants
Napoléon, Comment diriger un préfet
Camille Desmoulins, Les Dieux ont soif
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En attendant le nouveau numéro, (re) découvrez la première partie de deux articles parus dans le n° 170 et dont vous lirez la deuxième partie dans le n° 171 :
« Souvenirs de la IIIe République » par Charles Pomaret
et « Diversité » par Christopher Caldwell.
Souvenirs de la IIIe République (I)
Charles Pomaret
Charles Pomaret fut le major de sa promotion au Conseil d’État et l’avant dernier ministre de l’Intérieur de la IIIe République. Il avait connu Vincent Auriol, Louis Barthou, Léon Blum, René Coty, Paul Doumer et bien d’autres. Il s’agit d’un texte inédit. Commentaire en publie des extraits : ceux concernant Caillaux, Blum, Barthou ou celui sur le pauvre Doumer, d’autres aussi, car rien ne vaut l’appréciation d’un homme politique sur ses collègues, si celui qui les apprécie est perspicace. [Lire l'article]
Diversité (I)
Christopher Caldwell
Christopher Caldwell a publié au début de l'année, à New York, un important ouvrage intitulé The Age of Entitlement. America Since the Sixties (Simon and Schuster, 2020, 352 pages). Dans ce livre, il étudie les réformes américaines des années 1960. Au fil du temps, ces réformes ont-elles eu aussi des conséquences dommageables en termes économiques et en termes de liberté et de stabilité sociale aux États-Unis ? La loi sur les droits civiques (Civil Rights Act) de 1964, acclamée au départ comme une simple réforme, s'est révélée comme une transformation bien plus profonde. N'est-ce pas comme une nouvelle Constitution, rivale de la Constitution originelle et souvent en désaccord avec elle ? La « polarisation » et l’« incivisme » que l'on déplore aujourd'hui ne sont-ils pas des phénomènes graves reflétant un affrontement entre deux Constitutions : celle de jure de 1788 et celle de facto de 1964 ? [Lire l'article]