Napoléon et l'Université
Jacques-Olivier Boudon
N° 117/Printemps 2007
Napoléon a créé les lycées et les proviseurs, les académies et les recteurs, et par-dessus tout cela l’Université, c’est-à-dire le corps unique chargé de l’enseignement en France. De cette organisation, il reste bien plus que les lycées et les recteurs. Il reste la centralisation, le poids de l’État, l’uniformité de la réglementation. Aussi faut-il profiter des bicentenaires napoléoniens pour réfléchir aux origines du système d’éducation français. [Lire l'article]
5 mai 1821-5 mai 2021 : parlons-en un peu…
Goethe et Victor Hugo
Quant à moi, en voyant les consciences qui se dégradent, l’argent qui règne, la corruption qui s’étend, les positions les plus hautes envahies par les passions les plus basses, en voyant les misères du temps présent, je songe aux grandes choses du temps passé, et je suis par moments, tenté de dire à la chambre, à la presse, à la France entière : tenez, parlons un peu de l’Empereur, cela nous fera du bien !
Victor Hugo, 14 juin 1847.
*
Voilà comme nous sommes faits ! Les humeurs sombres et les illuminations, voilà ce qui fait la destinée de l’homme ! Nous aurions besoin que le Démon nous mène tous les jours en lisière, nous dise ce qu’il y a à faire et nous y pousse. Mais le bon esprit nous abandonne, et nous sommes sans ressort et tâtonnons dans l’obscurité. Voilà où Napoléon était quelqu’un de formidable! Toujours illuminé, toujours clair et résolu, et doué à toute heure de l’énergie suffisante pour mettre en œuvre aussitôt ce qu’il avait reconnu avantageux et nécessaire. Sa vie fut la marche d’un demi-dieu, de bataille en bataille et de victoire en victoire. On pouvait bien dire de lui qu’il se trouvait dans une illumination perpétuelle : c’est aussi pourquoi sa destinée fut d’un éclat tel que jamais le monde n’en avait vu de pareil avant lui, et jamais peut-être n’en reverra après lui.
Goethe, 11 mars 1828.
Conversation intéressante entre MM. Molé, Rémusat et moi sur Napoléon (3 avril 1855)
Alexis de Tocqueville
On en vint à parler de Napoléon. Personne ne l'a encore peint tel que je l'ai connu, disait M. Molé. Thiers n'en a pas même approché, reprenait Rémusat. Il a fait une admirable histoire administrative de l'Empire ; mais l'homme lui-même, la réalité de cet être étrange, échappe. Ce que personne notamment n'a encore peint, c'est Bonaparte, maître de tout avant de rien connaître, apprenant toute chose en même temps qu'il gouvernait toute chose ; abordant tous les sujets dans ses conversations, ceux mêmes qui lui étaient les moins familiers, se livrant à toutes sortes de témérités intellectuelles, trouvant son plaisir à se lancer dans toutes les voies, toujours inattendu, éclatant, osant dire ce qu'il n'aurait jamais osé dire quelques années plus tard. Cette première fougue du génie dans l'inconnu et le nouveau, qui l'a décrite ? On a cité alors comme donnant quelques notions vraies sur lui le nouveau livre de Roederer, les Mémoires inédits du duc de Vicence, alors disgracié, mécontent ; ouvrage très curieux qu'a lu M. Pasquier. [En marge, de la main de Tocqueville : « Cette demeure est triste », dit Roederer au Premier consul nouvellement installé aux Tuileries. « Comme la grandeur », répond l'autre.
Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution (vol. II), in Œuvres complètes.
Du principe des nationalités à l’unité de l’Europe
Napoléon Ier
Une de mes plus grandes pensées avait été l'agglomération, la concentration des mêmes peuples géographiques qu'ont dissous, morcelés les révolutions et la politique. Ainsi, l'on compte en Europe, bien qu'épars, plus de trente millions de Français, quinze millions d'Espagnols, quinze millions d'Italiens, trente millions d'Allemands : j'eusse voulu faire de chacun de ces peuples un seul et même corps de nation. C'est avec un tel cortège qu'il eût été beau de s'avancer dans la postérité et la bénédiction des siècles. Je me sentais digne de cette gloire ! Après cette simplification sommaire, il eût été plus possible de se livrer à la chimère du beau idéal de la civilisation : c'est dans cet état de choses qu'on eût trouvé plus de chances d'amener partout l'unité des codes, celle des principes, des opinions, des sentiments, des vues et des intérêts. Alors peut-être à la faveur des lumières universellement répandues, devenait-il permis de rêver, pour la grande famille européenne, l'application du congrès américain, ou celle des Amphictyons de la Grèce ; et quelle perspective alors de force, de grandeur, de jouissance, de prospérité ! Quel grand et magnifique spectacle !
Le 11 novembre 1816, à Sainte-Hélène, Mémorial de Las Cases
*
* *
Défense et illustration de l'université napoléonienne
Georges Vedel
N° 32/Hiver 1985
Le doyen Georges Vedel, en l'honneur de son collègue Pierre Raynaud, professeur à la faculté de droit de Paris, membre de l'Institut, a voulu retracer l’histoire des facultés de droit créées par Napoléon. Il a bien voulu nous autoriser à publier son texte. [Lire gratuitement l'article]
L'élection du Président au suffrage universel est un principe
Prince Napoléon
Les Napoléons défendent la souveraineté directe du peuple. Cette doctrine a été abandonnée par beaucoup de républicains, uniquement par la crainte des votes populaires. Ce qu'un plébiscite a établi, un nouveau plébiscite peut seul le remplacer. Je ne représente pas un parti, mais une cause et un principe. Cette cause est celle de tous bien plus que la mienne. Ce principe, c'est le droit qu'a le peuple de nommer son chef. Nier ce droit est une atteinte à la souveraineté nationale.
Prince Napoléon, le 15 janvier 1883, déclaration reprise dans L'Appel au Peuple, 11 avril 1883.
Le Conseil d’État ne doit jamais perdre de vue les principes ni manquer de courage
Napoléon Ier
Palais des Tuileries, 20 décembre 1812
Conseillers d'État, toutes les fois que j'entre en France, mon cœur éprouve une bien vive satisfaction. Si le peuple montre tant d'amour pour mon fils, c'est qu'il est convaincu, par sentiment, des bienfaits de la monarchie. C'est à l'idéologie, à cette ténébreuse métaphysique qui, en recherchant avec subtilité les causes premières, veut sur ces bases fonder la législation des peuples, au lieu d'approprier les lois à la connaissance du cœur humain et aux leçons de l'histoire, qu'il faut attribuer tous les malheurs qu'a éprouvés notre belle France. Ces erreurs devaient et ont effectivement amené le régime des hommes de sang. En effet, qui a proclamé le principe d'insurrection comme un devoir ? Qui a adulé le peuple en le proclamant à une souveraineté qu'il était incapable d'exercer ? Qui a détruit le respect et la sainteté des lois, en les faisant dépendre, non des principes sacrés de la justice, de la nature des choses et de la justice civile, mais seulement de la volonté d'une assemblée composée d'hommes étrangers à la connaissance des lois civiles, criminelles, administratives, politiques et militaires ? Lorsqu'on est appelé à régénérer un État, ce sont des principes constamment opposés qu'il faut suivre. L'histoire peint le cœur humain ; c'est dans l'histoire qu'il faut chercher les avantages et les inconvénients des différentes législations. Voilà les principes que le Conseil d'État d'un grand empire ne doit jamais perdre de vue ; il doit y joindre un courage à toute épreuve, et, à l'exemple des présidents Harlay et Molé, être prêt à périr en défendant le souverain, le trône et les lois. J'apprécie les preuves d'attachement que le Conseil d'État m'a données dans toutes les circonstances. J'agrée ses sentiments.
Napoléon, Extrait du Moniteur du 21 décembre 1812.
*
* *
Le Napoléon de Charles Maurras
Thierry Lentz
N° 164/Hiver 2018
Charles Maurras est revenu sur le devant de la scène, au printemps 2018, avec la publication d'un volume de la collection « Bouquins » regroupant une trentaine de ses textes politiques, littéraires et poétiques. L'éditeur de ce florilège a dû faire des choix dans une œuvre protéiforme. Par déformation (ou conscience) « professionnelle », nous avons immédiatement voulu vérifier si cette anthologie accueillait le petit volume que Maurras à l'aube des années 1930 consacra à Napoléon (qu’il admirait bien moins que Jacques Bainville). Comme il n'y figure pas et que, napoléoniste un peu documenté, nous en conservons un exemplaire, nous le relisons pour Commentaire. [Lire l'article]
Napoléon : juif et franc-maçon ?
Édouard Drumont
Napoléon était-il d'origine sémitique ? Disraeli l'a dit, l'auteur du Judaïsme en France le soutient. Il est certain que les îles Baléares et la Corse servirent de refuge à beaucoup de Juifs chassés d'Espagne et d'Italie qui finirent par se convertir au christianisme, et, comme cela avait lieu en Espagne, prirent le nom des grands seigneurs qui leur avaient servi de parrains, Orsini, Doria, Colonna, Bonaparte. Michelet qui, avec son organisation de voyant, avait l'intuition de certaines choses profondes sur lesquelles il n'osait trop insister à cause de son parti, a touché ce point à deux ou trois reprises. « J'ai dit, écrit-il notamment dans son Dix-neuvième Siècle, qu'un spirituel Anglais voudrait faire croire Bonaparte Juif d'origine. Et comme la Corse fut autrefois peuplée par les Sémites d'Afrique, Arabes, Carthaginois ou Maures, Maranes, disent les Espagnols, il semble appartenir à ceux-ci plus qu'aux Italiens. » Taine, il est vrai, dans son Napoléon Bonaparte, en fait un Italien « pur indigène ». Franc-maçon certainement et très avant dans les secrets de la Maçonnerie, jacobin farouche, ami de Robespierre jeune, Napoléon avait tout ce qu'il fallait pour jouer le rôle qu'on attendait de lui. La finance l'adopta ; les Michel, les Cerf ; les Bedarride le commanditèrent lors de sa première expédition en Italie au moment où les caisses de l'État étaient vides. Il n'avait qu'à paraître pour que tout lui réussît : il prenait en un jour Malte l'imprenable ; pour revenir en France faire le 18 Brumaire, il traversait tranquillement la Méditerranée sillonnée par les croisières anglaises. La franc-maçonnerie avait organisé autour de lui cette espèce de conspiration d'enthousiasme qui flotte dans l'air ; se communique de proche en proche et finit par gagner tout un pays. Nous avons eu une répétition de cette espèce de carte forcée avec Gambetta, ce gros homme gonflé de mots qui avait été inepte et malhonnête pendant la guerre, et que la France crut un moment être l'homme nécessaire. Napoléon s'acquitta des obligations qu'il avait envers les Juifs, et s'occupa de faire entrer définitivement dans les lois l'égalité si inconsidérément accordée aux Israélites par la Constituante.
Édouard Drumont, La France juive. Essai d'histoire contemporaine, 1886.
Les jeunes Lorrains au tombeau de Napoléon (5 mai 1884)
Maurice Barrès
Sans parti pris social ni moral, sans peser les bénéfices de ses guerres ni la valeur de son despotisme administratif ; ils aiment Bonaparte : nûment. Sa plus belle effigie, à leur gré, c'est de Canova, à Milan, dans la cour de la Brera, son corps de héros tout nu avec sa terrible tête de César. Oui, nûment et sans circonstances ! Nul excitant ne le vaut pour mettre notre âme en mouvement. Elle ose alors découvrir sa propre destinée. C'est la vertu profonde qu'il se reconnaissait, disant : « Moi, j'ai le don d'électriser les hommes. » Ce Napoléon-là, celui qui touche, électrise les âmes, qu'il soit l'essentiel, on le vit bien à son lit de mort, quand il eut prononcé les dernières paroles que lui imposait sa destinée : sa volonté prolongée par-delà son souffle fit sur ses traits un superbe travail de vérité ; après voir flotté un moment, comme s'il cherchait leur type pour l'immortalité, ils se rapprochèrent de l'image consulaire. Aux heures du Consulat, et quand s'élargissaient les premiers feux de sa gloire, on voyait encore un Bonaparte songeur, farouche, avec le teint bleuâtre des jeunes héros qui rêvent l'Empire. Monté au rôle de César, ce capitaine de fortune adoucit sa fierté amère, il garnit en quelque sorte le dur, le coupant de ses traits, il prit l'ampleur, la graisse de l'empereur romain… Puis ce furent les dégradations du martyre. - Mais quand on eut sur son visage essuyé les sueurs de l'agonie, on vit réapparaître l'aigu de sa jeunesse, l'arc décidé des lèvres, l'arête vive des pommettes et du nez. C'était cette expression héroïque et tendue qu'il devait laisser à la postérité comme essentielle et explicative. Le jeune chef de clan du pays corse, le général d'Italie et d'Égypte, le premier consul, voilà en effet le Napoléon qui ne meurt pas, celui qui a soutenu l'Empereur dans toutes ses réalités, et qui supporte sa légende dans toutes les étapes de son immortalité. Et comme il convenait que, par-dessus tous les stigmates de la vie et les aspects de son génie, son dur profil de médaille se dégageât pour marquer définitivement son corps où la vie avait clos le cycle de son activité, de même il est nécessaire qu'au bout de toutes les transformations de la légende on aboutisse à ceci : Napoléon, professeur d'énergie. Professeur d'énergie ! telle est sa physionomie définitive et sa formule décisive, obtenues par la superposition de toutes les figures que nous retracent de lui les spécialistes, les artistes et les peuples.
Maurice Barrès, Les Déracinés.
*
* *
Comme quoi Napoléon n'a jamais existé
Ou le révisionnisme en histoire
Fabrice Bouthillon
N° 43/Automne 1988
Avouons-le : nous n'aurions jamais osé livrer au public les réflexions qu'on va lire, et que pourtant nous ne nourrissons pas d'aujourd'hui, si nous n'avions pu nous autoriser du patronage de l'école révisionniste, et de la révolution qu'elle a causée dans la science historique. Nous ne prétendons à aucune originalité méthodologique dans l'étude que nous publions, et c'est bien volontiers que nous affirmons franchement que nous nous bornons à passer par la trouée qu'eux et eux seuls ont ouverte : Napoléon n’a pas existé. [Lire l'article]
Charles Ier et Louis XVI
Napoléon
En Angleterre, si Charles Ier avait cédé de bonne foi, s'il avait eu le caractère modéré, incertain de Louis XVI, il eût survécu. En France, au contraire, si Louis XVI avait résisté franchement s'il avait eu le courage, l'activité, l'ardeur de Charles Ier, il eût triomphé. Durant tout le conflit, Charles Ier, isolé dans son île, n'eut autour de lui que des partisans, des amis ; jamais aucune branche constitutionnelle. Louis XVI avait une armée régulière ; le secours de l'étranger, deux parties constitutionnelles de la nation, la noblesse et le clergé. Il se présentait en outre à Louis XVI un second parti décisif que n'eut pas Charles Ier ; celui de renoncer à être le chef de la féodalité, pour le devenir de la nation : malheureusement il ne sut prendre ni l'un ni l'autre. Charles Ier périt donc pour avoir résisté, et Louis XVI pour n'avoir pas résisté.
L'un était intimement convaincu des droits de sa prérogative ; il est douteux, assure-t-on, que l'autre en fût bien persuadé, non plus que de sa nécessité. En Angleterre, la mort de Charles Ier fut l'ouvrage de l'ambition astucieuse, atroce d'un seul homme. En France, ce fut l'ouvrage de la multitude aveuglée, celui d'une assemblée populaire et désordonnée. En Angleterre, les représentants du peuple, par une teinte de pudeur, s'abstinrent d'être juges et parties dans le meurtre qu'ils commandaient ; ils nommèrent un tribunal pour juger le roi. En France, ils ont osé être tout à la fois accusateurs, juges [et bourreaux]. C'est qu'en Angleterre, l'affaire était conduite par une main invisible ; elle avait plus de réflexion et de calme. En France, elle le fut par la multitude, dont la fougue est sans bornes. En Angleterre, la mort du roi donna naissance à la république. En France, au contraire, ce fut la naissance de la république qui causa la mort du roi. En Angleterre, l'explosion politique s'opéra par les efforts du fanatisme religieux le plus ardent. En France, elle se fit aux acclamations d'une cynique impiété : chacun selon son siècle et ses mœurs. En Angleterre, c'étaient les excès de la sombre école de Calvin. En France, c'étaient ceux des doctrines trop relâchées de l'école moderne.
Napoléon, Mémorial de Sainte-Hélène, 5 mai 1816.
L’Académie française ne doit pas fuir le travail
Napoléon
Il y a deux projets de décret. Le second tend à soumettre, chaque année, à l'examen et à la critique de la classe de langue et de littérature française de l'Institut [l'Académie française de l'Ancien Régime et du régime actuel], les ouvrages en prose et en vers qui auront obtenu le plus de succès. Le président Regnaud dit que cette classe a paru beaucoup répugner à remplir cette tâche. Sa Majesté l'Empereur dit que ce ne sont point les considérations que la classe invoque qui lui inspirent de la répugnance. La vérité est qu'elle fuit le travail, et que, tandis que la première classe [l'Académie des sciences] produit une foule d'ouvrages utiles, on ne voit rien sortir de la seconde. On n'en pourra rien espérer tant qu'elle choisira de mauvais présidents et qu'elle s'occupera de politique au lieu de s'occuper de littérature. Que signifie, par exemple, cette séance vraiment politique ? Pourquoi Sicard, à propos de la réception du cardinal Maury, s'est-il mêlé de faire le procès de l'Assemblée constituante et de discuter les opérations politiques ? Cet homme est une espèce de charlatan qu'il ne fallait pas élever à la présidence. Que la classe relève les fautes de langue qui ont échappé aux orateurs des diverses assemblées. La classe de littérature veut des grâces et des distinctions et ne pas les acheter par le travail. Que n'achève-t-elle l'histoire littéraire commencée par les bénédictins [ce que devait entreprendre la troisième classe de l'Institut : l'Académie des inscriptions et belles-lettres] ? Qu'elle termine le dictionnaire. Mais la classe restera toujours en dessous de sa tâche tant que, pour se choisir des confrères, elle aura égard à la dignité au lieu de n'admettre dans son sein que des hommes vraiment capables de partager ses travaux.
Napoléon, au Conseil d'État, séance du 8 août 1807.
*
* *
Napoléon mythe cinématographique
Jean Tulard
N° 8/Hiver 1979
Il n'est guère de jour où l'on ne vende aux enchères son buste ou une gravure représentant son sacre et ses victoires. On a pu calculer, sans risque d'erreur, qu'avaient été publiés plus de livres ou de brochures consacrés à son histoire qu'il s'était écoulé de jours depuis sa mort. Il est partout, dans la chanson populaire, depuis Béranger, comme sur les scènes lyriques où l'on peut l'entendre pousser le contre-ut dans de nombreux opéras. En bronze ou en papier, en noir ou en couleurs, s'étalant sur l'étiquette d'une marque de cognac ou patronnant un cours privé pour cancres des beaux quartiers, il règne sur nous depuis un siècle et demi. Il est bien sùr et de plein pied entré dans le cinéma, depuis le film immortel d’Abel Gance jusqu’à nos jours. [Lire l'article]
La vraie puissance de la République
Napoléon
À Camus, président de l'Institut, 26 décembre 1797, Paris.
Le suffrage des hommes distingués qui composent l'Institut m'honore. Je sens bien qu'avant d'être leur égal je serai longtemps leur écolier. S'il était une manière plus expressive de leur faire connaître l'estime que j'ai pour eux, je m'en servirais. Les vraies conquêtes, les seules qui ne donnent aucun regret, sont celles que l'on fait sur l'ignorance. L'occupation la plus honorable, comme la plus utile, pour les nations, c'est de contribuer à l'extension des idées humaines. La vraie puissance de la République française doit consister désormais à ne pas permettre qu'il existe une seule idée nouvelle qu'elle ne lui appartienne.
Napoléon, Correspondance générale, tome I, 1794-1797, Fayard, 2004. Bonaparte avait été élu le 25 décembre 1797, par 305 voix contre 7, à la première classe de l'Institut (section des Mathématiques).
Napoléon et l’Europe
Paul Valéry
Napoléon a senti que l'Europe était quelque chose de particulier, et son démon étant l'organisation qui est dans la politique ce que la construction est dans la pensée ou l'art, il avait, en voyant que les deux seules puissances rationnelles en Europe devaient être la France et la Russie à cause de leur situation et de leur caractère moyen, et en touchant du doigt que l'Angleterre ne pouvait qu'être éternellement opposée à l'Europe parce qu'elle est forcément intéressée à ce qui est contraire à l'Europe et très désintéressée de ce qui est capital pour cette dernière, - pensé à détruire la puissance anglaise, puis, plus largement à ouvrir un monde qui serait l'actuel en unifiant toute l'Europe occidentale sous une administration seule et avec un concours de tous les gens habiles et intelligents - les frontières de ce gigantesque lieu étant couvertes par une incessante zone militaire toujours élargie vers l'Orient et transformant, par le type d'organisation militaire élémentaire, par le mélange des races, dans et hors l'année, les terres sans cesse bues et peu à peu organisées en pente douce jusqu'à Paris.
Paul Valéry, Cahiers, 1897-1900, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », tome II.
Le génie de Napoléon
Alexis de Tocqueville
Ce que je trouve de plus extraordinaire parmi les qualités que possédait cet homme était la souplesse ou pour parler la langue des sciences (la physiologie), la nature contractile de son génie, qui permettait à celui-ci de s'étendre au besoin de façon à pouvoir embrasser sans effort les affaires du monde et ensuite de se resserrer tout à coup de manière à pouvoir saisir sans peine les plus petits objets.
*
* *