Dans la vulgate des relations internationales, le réalisme est généralement présenté comme une théorie amorale, une Realpolitik autorisant les États à défendre leurs intérêts à n'importe quel prix, réduisant le droit international à n'être que l'instrument des grandes puissances dans un contexte anarchique où règne la loi du plus fort. Face à une crise humanitaire grave, on présume également que le réaliste, qui fait primer le respect de la souveraineté sur celui des droits de l'homme, est anti-interventionniste. À tel point que, pour illustrer le débat entre réalistes et libéraux sur l'intervention dite humanitaire, on parle en France de ce qui oppose les « souverainistes » aux « droits-de-l'hommistes ». Ce portrait explique que, comme l'a noté le théoricien américain des relations internationales Robert Gilpin, « personne n'aime un réaliste politique ».Dans cet article, j'aimerais donner des raisons de l'aimer. Montrer que cette présentation est une contrefaçon trompeuse. Qu'un certain genre de réalisme, un réalisme libéral – réaliste par sa prudence et son pragmatisme, libéral par sa volonté de rendre le monde plus juste –, est non seulement possible mais aussi souhaitable. J.-B. J. V.
Redécouverte du réalisme classiqueL'étude des relations internationales souffre aujourd'hui de paradigmatisme, cette attitude qui consiste à voir les différentes théories comme des paradigmes mutuellement exclusifs. Réalisme, libéralisme, marxisme, constructivisme, École anglaise, théorie critique, féminisme, poststructuralisme, postcolonialisme : l'étudiant doit choisir son camp. Pour l'aider, on caricature chaque...