Une des réformes politiques et institutionnelles les plus importantes qui ait été réalisée au cours de la présidence de Nicolas Sarkozy, sous son impulsion et en suivant les recommandations de la Commission Balladur, a été la généralisation du contrôle de la constitutionnalité des lois. L’instrument choisi pour cette réforme a été l’introduction, dans les procédures ouvertes à tous les justiciables, et donc à tous les citoyens, de la « question prioritaire de constitutionnalité ». Ce fut l’objet de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et de la loi organique subséquente du 10 décembre 2009. Commentaire avait réclamé cette réforme depuis plus de vingt ans. Une procédure équivalente existe aux États-Unis depuis plus de deux siècles et dans beaucoup de pays d’Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle découle logiquement du principe de la hiérarchie des normes qui fait que la loi doit être conforme à la Constitution, et que si le législateur prend une loi contraire, alors qu’il ne dispose pas du pouvoir constituant, il s’arroge, par un coup de force, un pouvoir qu’il ne détient pas. Autrement dit, le respect de la hiérarchie des normes est un droit fondamental. Et on ne peut défendre la liberté sans défendre le respect de ce droit. De cette réforme il est résulté un accroissement considérable du rôle du Conseil constitutionnel dans notre pays, puisque c’est lui qui, en dernière instance, répond à la question que le justiciable pose. Il le fait à travers une procédure complexe qui peut être discutée et il l’a fait et le fera de façon dont on peut aussi discuter. C’est l’objet des deux articles qui suivent, dont on verra que le premier est plus critique que le second, et que l’un et l’autre offrent une utile réflexion sur cette réforme et sur le rôle du Conseil constitutionnel. COMMENTAIRE Souvent, lorsque la question prioritaire de constitutionnalité vient sur le tapis, la conversation ordinaire des juristes français tourne au procès en frilosité. Il se trouve de bonnes âmes pour dénoncer les prudences ou les complaisances excessives prêtées au Conseil constitutionnel. Et l'on en vient à disserter aussitôt sur l'ordre des causes de ce présumé phénomène. La couleur politique des membres sera dénoncée ici. Là, ce seront les modalités de leur nomination. Parfois, c'est l'architecture de la QPC qui sera mise sur la sellette. Ailleurs, on fulminera avec gravité (et économie d'explication) contre le scandale de telle ou telle décision... J'en passe.Le motif est constant par-delà la variété des formes. La question est posée un peu partout de savoir si le Conseil constitutionnel en fait assez. Eu égard à la charge de rupture historique prêtée à la mise en place d'un contrôle de constitutionnalité des lois en cours d'application, elle mérite un examen détaillé. Faute de pouvoir y procéder ici, on consacrera ces quelques lignes à faire valoir quelques arguments propres à entretenir une certaine distance par rapport à l'enthousiasme fustigateur auquel certains sont visiblement enclins. Il sera donc suggéré qu'il est pour l'essentiel injuste en même temps qu'irréfléchi de faire ainsi porter sur le Conseil constitutionnel une accusation globale de mollesse, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit. D. de B.
Une accusation injustePourquoi ? Parce que le recul de deux ans de pratique de la QPC permet de constater que des censures significatives ont été prononcées sur le fond. Sur la méthode, il apparaît en outre que le Conseil constitutionnel s'est doté d'outils de plus en plus tranchants.Sur...