Ajouter au panier Acheter des crédits

La terreur dans les lettres

Victor Véore

N° 174 Été 2021

Article


Nous avons reçu d'un étudiant de première année à Sciences Po une lettre accompagnée d'un projet d'article. Il nous apprenait que lors d'un examen de deuxième année l'usage de l'écriture inclusive avait été recommandé par le professeur chargé du cours et assorti d'un bonus dans la notation des copies, pour ceux qui se plieraient à cet usage. Aucun d'entre nous ne connaissait notre correspondant et l'information nous a surpris.La presse nous l'a confirmée. Citons Le Figaro étudiant du 25 février :« Le Figaro a pu se procurer une copie de cet examen qui concerne un cours de sociologie réservé aux élèves de deuxième année de bachelor ayant choisi la majeure économie et société. Mis en ligne sur le Moodle (plateforme d'apprentissage en ligne) de Sciences Po Paris, le document précise dans ses consignes que l'écriture inclusive « est encouragée », mais que « son non-usage ne sera pas pénalisé, les étudiant.e.s étrangers.ères pouvant avoir davantage de difficultés à la mettre en œuvre. Toutefois, un demi-point “bonus” sera attribué à celles et ceux qui tenteront de l'utiliser », indique le document. Selon plusieurs élèves, l'enseignant en charge de ce cours magistral sur « les grandes questions de la sociologie au prisme du genre » a incité à plusieurs reprises ses élèves à employer cette graphie. « Il nous a dit que ceux qui n'utiliseraient pas l'écriture inclusive lors du partiel seraient pénalisés », explique un étudiant ayant suivi le cours en 2019-2020. Mais les propos de l'enseignant suscitent à l'époque une levée de boucliers chez une partie des élèves ainsi que chez certains chargés de TD. « Cela a interpellé un certain nombre d'entre nous et l'affaire est remontée jusqu'au directeur du campus de Paris. Par la suite, l'enseignant est revenu sur ce qu'il a dit et a préféré la solution des points bonus », ajoute-t-il. Un autre étudiant enchérit : « Après cette petite polémique, l'enseignant nous a fait comprendre qu'il n'y aurait pas de pénalité, mais une petite valorisation. Mais, en définitive, je ne pense pas que cela ait été le cas puisque j'ai obtenu une bonne note sans le faire ». Son autre camarade, lui, s'est bel et bien forcé à utiliser la graphie en question : « Je ne voulais pas perdre de points à cause de cette histoire, donc j'ai fait de l'écriture inclusive à petite dose en utilisant des mots épicènes. Je n'ai jamais su si j'avais eu des points en plus », nuance-t-il toutefois. L'association Nova, très influente dans l'école, qui a d'abord affirmé par l'intermédiaire de son président, Raphaël Zaouati, que l'information était erronée, a finalement publié un communiqué de presse pour signifier le contraire. « Nous avons démenti cette pratique qu'aucun d'entre nous n'avait jamais subie ni constatée, mais depuis quelques jours plusieurs d'entre vous nous ont écrit pour nous signifier que lors d'au moins un examen final, celui de sociologie de deuxième année sur le campus de Paris, l'usage de l'écriture inclusive avait été effectivement favorisé au détriment de l'écriture normale. »Sans commentaire, comme dit une autre chronique. Mais, s'il existe des professeurs incertains – quelle collectivité, aussi docte soit-elle, ne comporte pas de têtes légères ? – il existe aussi de jeunes étudiants qui ne se laissent pas impressionner par ce qu'on peut leur enseigner. Aussi accueillons-nous dans ces colonnes ce rebelle. Il nous écrit : « Derrière le débat sur l'écriture inclusive se cache un rapport de force, une passion qui nie la raison et se justifie par ce qu'elle prétend défendre. La situation constatée plusieurs fois à Sciences Po est révélatrice de ces méthodes malsaines. » Et il ajoute : « Les jeunes gens oublient souvent de regarder leur avenir à la lumière du passé, mais le futur arrogant n'est pas un futur éclairé. » Nous avons ajouté un titre et la dernière ligne. Nous lui avons conseillé de lire Le Confort intellectuel de Marcel Aymé, s'il ne l'a déjà lu, et de prendre un pseudonyme, car chacun sait que quand on distribue des bonus on peut être tenté de distribuer des malus.

COMMENTAIRE

La direction de Sciences Po est-elle favorable à l'écriture inclusive ? Les formules d'adresse utilisées (« Chères étudiantes, chers étudiants » ou « Chères toutes, chers tous ») traduisent à la fois la courtoisie qui place le beau sexe en premier et le rejet de la règle du « masculin l'emporte ». Pour...

Pour lire la suite, achetez l'article : Ajouter au panier Acheter des crédits