À l'hiver, nous rendons hommage au fondateur de notre revue en revenant à lui. On a célébré cette année le soixantième anniversaire de la Constitution de la Ve République. Ce n'était que partiellement exact, puisque le principe de notre Constitution remonte à 1962. En effet, la loi fondamentale en démocratie, dit Montesquieu, est la loi électorale, en l'occurrence celle qui, l'affaire algérienne réglée, a confié l'élection présidentielle au suffrage universel. Les années 1958 et 1959 correspondent à la première étape de la Ve République (la partie la moins décisive en termes institutionnels), mais elles correspondent aussi et surtout au retour du général de Gaulle. Le paradoxe étant que l'Algérie française l'a porté au pouvoir et qu'il l'a rendue indépendante, au grand désarroi de ses plus proches compagnons. Aussi, nous a-t-il paru opportun de reproduire, tiré du volume numérique : Raymond Aron, Politique française. Articles 1944-1977 (Éditions de Fallois, 2016), l'essentiel d'une longue interview de Raymond Aron par Jean Daniel intitulée « L'avenir du gaullisme » et publiée dans L'Express du 20 août 1959. Nous y avons ajouté des sous-titres et nous lui avons donné un titre plus large.
La droite et la gaucheJean Daniel. —Raymond Aron, il m'a semblé que le nouveau régime, issu du 13 mai [1958], vous faisait redécouvrir un concept, celui de « la gauche », dont vous aviez l'habitude de démontrer qu'il ne correspondait à rien. Raymond Aron. — Je ne peux pas juger...