À l'ultime fin de son précédent mandat, le président de la République a engagé une profonde réforme de la haute fonction publique. Qualifiée aujourd'hui de « réforme de l'encadrement supérieur de l'État », elle a entraîné de la part d'une grande majorité des hauts fonctionnaires une réaction d'incompréhension, de rejet, voire d'alarmisme, comme si elle ouvrait à tous les dangers. En témoignent les termes employés : déprofessionnalisation de la haute fonction publique, esprit de système poussé jusqu'à l'absurde, formidable affaiblissement des grandes fonctions de l'État, retour à une cooptation d'un autre âge, perte inéluctable d'attractivité, hauts fonctionnaires sacrifiés à l'opinion… Cette levée de boucliers n'a toutefois trouvé que peu d'échos hors des sphères de la haute fonction publique, si ce n'est ceux, habituels, dictés par les clivages politiques. Dans les cercles les plus éclairés des médias et de l'opinion publique, on s'est montré plus circonspect. Dans l'ensemble a prévalu le doute, lié en large partie à la difficulté de percevoir exactement ce qu'était cette réforme. Il n'a néanmoins pas manqué de voix, il est vrai traditionnellement peu amènes à l'égard de ce qui fleure peu ou prou l'énarchie, pour saluer son intérêt et y voir « une étape vers un renouveau de l'État » (éditorial du Monde, 10 avril 2021). Les développements qui suivent ont pour objet d'essayer d'aider à y voir plus clair, en répondant à cinq grandes questions. Quel est le contenu de la réforme ? Quelle en est la motivation ? Pourquoi les alarmes exacerbées qu'elle a suscitées ? Quels sont les enjeux de gestion résultant du basculement du système de corps à l'ancienne à celui d'emplois fonctionnels ? Quelles pierres d'achoppement à la réussite de la réforme ?
Quels changements ? Quels changements la réforme apporte-t-elle au régime existant de haute fonction publique ? Sur le papier, la réforme est simple. Elle comporte deux principales mesures : d'une part, la suppression de l'ENA et son remplacement par un...