Quand nous avons interrogé nos lecteurs sur l'intérêt qu'ils portaient aux différentes rubriques de la revue, ils nous ont dit que la série « L'idée d'Université », dans laquelle cinquante-six articles ont déjà été publiés, n'avait pas leur préférence. Accordons que ces articles sont parfois austères. Ajoutons que l'on n'accorde pas assez d'importance en France aux problèmes universitaires et scientifiques. Si la position relative de notre pays en ce domaine s'est détériorée depuis un siècle, c'est parce que la France n'a pas su se doter, comme les Allemands l'avaient fait au xixe siècle ou comme l'Amérique l'a fait au xxe siècle, d'une organisation universitaire efficace. Notons que ni l'Allemagne ni les États-Unis n'ont jamais bénéficié d'un ministre chargé de l'Enseignement supérieur. Ce n'est ni le manque d'hommes de talents ni le manque de moyens qui expliquent les échecs français comparés aux succès allemands ou américains. C'est l'incapacité politique de créer un système efficace. Ce que d'ailleurs Cournot, Renan, Taine, Pasteur avaient pressenti en leur temps. Et cet échec politique est la conséquence d'une réflexion insuffisante sur les universités et sur la science. C'est la raison pour laquelle nous maintenons cette rubrique, même si elle n'est pas la plus recherchée dans cette revue. Nous le faisons par devoir civique à l'égard de l'idée d'Université. Dans ce numéro, nous avons retenu trois articles. Deux reproduisent des textes d'hommes politiques concernés par l'Université – ils sont très rares en France – et proches l'un de l'autre par leur indépendance et leur rigueur : il s'agit de Raymond Barre et de Pierre Mendès France. Le troisième nous fait remonter au xive siècle. Jacques Verger explique la première réformation de l'université de Paris. À la fin du xiiie siècle, en effet, il n'y avait qu'une université à Paris et elle était la plus célèbre et la plus prospère d'Europe. Ce texte de Raymond Barre est inédit. Nous le tirons de ses archives. Ce sont les notes complètes qui lui ont permis de s'exprimer à l'Assemblée nationale le 24 mai 1983. Le discours que l'on peut lire au Journal officiel est un peu différent dans la forme. Il s'agissait de discuter la loi sur les universités, dite loi Savary. On la trouvera au Journal officiel du 27 janvier 1984. Elle a été réformée par d'autres lois et par des décrets. Elle n'a pas joué un rôle décisif dans le progrès de la science et des universités en France. Au printemps 1986, Jean Foyer déposa une proposition de loi, que contre-signèrent Raymond Barre et Pierre Mesmer, qui voulait donner davantage d'autonomie aux universités françaises. On verra en lisant le texte de Raymond Barre qu'il n'a rien perdu de son actualité : les universités souffrent de la centralisation, de la syndicalisation et de la politisation. La sélection règne là où elle ne devrait pas : pour les IUT et les enseignements courts. Elle est absente là où elle serait nécessaire. La spécialisation des premiers cycles universitaires est un non-sens. Au nom de la démocratie, on entretient les bavardages inutiles. On croit remonter dans les classements internationaux par des astuces subalternes. Les lois changent et passent, les problèmes restent. COMMENTAIRE
Alors qu'il existe un large accord sur les objectifs à atteindre, tant au sein de la communauté universitaire que dans le pays, nous voyons surgir de toute part les réactions les plus hostiles à vos propositions. Universitaires et étudiants dans leur grande majorité sont unis parce qu'ils craignent...